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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 40e Législature,
Volume 146, Numéro
61

Le mercredi 21 octobre 2009
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 21 octobre 2009

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Peter Kennedy

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, une explosion s'est produite dans une chaudière de l'usine de chauffage et de refroidissement de la rue Cliff, le lundi 19 octobre, vers midi. Cette centrale est la principale source de chauffage et de refroidissement des édifices du Parlement et d'autres édifices du centre-ville. L'explosion a eu des répercussions sur 48 édifices du centre-ville.

Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux collabore actuellement avec tous les services d'urgence, notamment le service d'incendie, le service de police, Technical Standards and Safety Authority ainsi qu'avec le ministère du Travail du Canada afin d'assurer temporairement l'alimentation en vapeur des édifices touchés, à partir du système des Services d'imprimerie du gouvernement canadien.

Malheureusement, quelques employés du ministère des Travaux publics ont été blessés lors de cet accident regrettable, et c'est avec tristesse que je vous apprends le décès de M. Peter Kennedy.

M. Kennedy, qui était à l'emploi de Travaux publics depuis 22 ans, était un homme exceptionnel que tous ses collègues admiraient. Cet ingénieur chevronné et dévoué achevait sa journée de travail lorsque ce malheureux accident s'est produit. M. Kennedy a succombé à ses blessures hier matin, entouré de sa famille et de ses proches.

Au nom du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, j'offre nos sincères condoléances à Terri, l'épouse de M. Kennedy, ainsi qu'à leurs quatre enfants.

Nos pensées et nos prières accompagnent la famille Kennedy et les autres employés blessés dans l'explosion, de même que ceux et celles qui pleurent la perte d'un collègue et d'un ami.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je me joins au sénateur Furey pour offrir mes condoléances à la famille et aux amis de Peter Kennedy, décédé tôt hier matin des suites des blessures qu'il a subies lors de l'explosion qui s'est produite à l'usine de chauffage et de refroidissement de la rue Cliff, lundi.

Tous s'entendent pour dire que c'était une bonne personne, un bon mari et un bon père. Que peut-on demander de plus? Peter Kennedy était un fonctionnaire. Il faisait l'admiration de ses collègues, qui le considéraient comme un mentor et un ingénieur hautement qualifié. Il ne faisait que son travail lorsqu'il a été tué. Il avait 51 ans.

Après l'accident, tous ses collègues ont rappelé sa gentillesse et son sens de l'humour. Qui d'entre nous ne voudrait pas travailler avec un tel homme ou pour lui? Au nom de tous nos collègues du Sénat, nous transmettons nos plus sincères condoléances à la famille de Peter Kennedy, son épouse et ses enfants, ainsi qu'à tous ses amis.

La Global Relief Outreach Foundation

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je profite de l'occasion pour souligner le magnifique travail de la Global Relief Outreach Foundation. Cet organisme, également connu sous le nom de GRO Canada, est une ONG établie à Toronto qui travaille actuellement au Lesotho, en Afrique du Sud.

L'objectif de GRO Canada est de soutenir les projets existants qui manquent de ressources et d'appuis. Au Lesotho, la fondation appuie des projets qui ont été mis sur pied par des groupes locaux travaillant en collaboration avec des spécialistes du développement qui vivent déjà dans leurs collectivités.

La fondation dirige trois grands projets au Lesotho, le programme des bourses d'études familiales et deux projets d'entreprises sociales, soit un collectif d'artisans et le Groupe de soutien des grands-mères

Le programme de bourses d'études familiales offre un soutien à l'éducation à des étudiants du niveau secondaire atteints du VIH, orphelins et vulnérables, et met sur pied des environnements qui favorisent l'appui concerté et le développement de jeunes défenseurs prêts à travailler en collaboration pour aider leurs amis et leur communauté.

Dans le cadre du Collectif des artisans, la Fondation GRO a fourni des capitaux et du matériel de démarrage et aidé le collectif à préparer un programme de formation en artisanat pour les femmes vivant avec le VIH et à établir des possibilités d'affaires au niveau local et à l'étranger. Au cours de l'année dernière, le collectif est devenu entièrement autonome et a réussi à atteindre une croissance commerciale grâce aux profits engendrés.

Le troisième projet important, le Groupe de soutien des grands-mères, est une initiative qui a été mise sur pied en vue d'appuyer un programme de soins à domicile pour les personnes atteintes du VIH, qui est dirigé presque uniquement par des grand-mères. La fondation a travaillé en étroite collaboration avec ce « groupe de mamies » afin de mettre sur pied une petite entreprise de production de volailles dont les profits sont investis dans des trousses de soins de santé qui permettent aux grand-mères d'offrir et d'étendre des services de soins à domicile

dans les communautés. Dans le cadre du modèle d'entreprise sociale durable de la fondation, ce projet est également devenu entièrement autosuffisant.

La Fondation GRO a été créée en 2006 par James White, spécialiste canadien du développement, et deux homologues américains, Jean Margaritis et Greg Felsen, grâce à l'appui financier initial de la femme d'affaires torontoise Sharon Oatway. Deux des membres fondateurs de la fondation vivent toujours au Lesotho et y travaillent en étroite collaboration avec les partenaires des divers projets. GRO Canada est maintenant également dirigée par un conseil d'administration composé de bénévoles, dont Megan Landes, Terry Aldebert et James White, ainsi que par une équipe d'administrateurs également bénévole. Les membres de l'équipe canadienne agissent comme conseillers secondaires pour les projets locaux. Leur tâche consiste essentiellement à créer des liens entre les groupes locaux et les ressources internationales et à maintenir la confiance des donateurs par le suivi des projets.

La Fondation GRO, qui continue d'œuvrer au Lesotho, au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, garantit que la totalité des dons sont envoyés directement au Lesotho pour soutenir les projets et les partenaires dans les collectivités concernées. GRO Canada cherche à étendre son mandat et sa mission aux collectivités en développement ailleurs dans le monde en créant des initiatives de développement international qui respectent les différences culturelles, offrent un appui direct et tangible et lient les Canadiens à des projets qui améliorent concrètement la situation dans les communautés en difficulté.

Des représentants de la Fondation GRO seront sur la Colline du Parlement cette semaine. J'ai hâte de les rencontrer et j'invite les sénateurs intéressés à en faire autant.

L'université McGill

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, en tant que diplômé de l'Université McGill, je suis fier de vous annoncer que mon alma mater et celle d'autres collègues a vraiment le vent dans les voiles.

Pour la sixième année consécutive, l'Université McGill se classe au 18e rang du palmarès de 2009 des meilleures universités au monde du Times Higher Education. Elle se retrouve donc parmi les 25 meilleures universités au monde et en tête des universités canadiennes. De plus, l'Université McGill a été jugée la meilleure université publique en Amérique du Nord.

La revue Maclean's a elle aussi récemment honoré l'université McGill en classant sa faculté de droit au deuxième rang parmi les établissements canadiens enseignant la common law. De plus, l'Université McGill s'est classée première pour le nombre de greffiers de la Cour suprême provenant de ses rangs, et au deuxième rang pour le nombre de diplômés qui deviennent professeurs dans des écoles de droit canadiennes ou qui sont embauchés par des cabinets de prestige.

(1340)

[Français]

L'annonce de ces classements exemplaires coïncide avec la remise de prix Nobel à deux anciens étudiants de l'Université McGill. Willard Boyle est colauréat du prix Nobel de physique, alors que Jack Szostak partage avec deux autres chercheurs le prix Nobel de physiologie ou médecine.

[Traduction]

Dans la foulée de ces remarquables exploits, l'Université McGill vient de clore son premier sommet du leadership. Cet événement marque, entre autres, le fait que la campagne de collecte de fonds de McGill a franchi le cap des 500 millions de dollars, soit les deux tiers de son objectif de 750 millions de dollars. Le point fort de l'événement de deux jours a peut-être été la remise d'un doctorat honorifique à l'ancien président des États-Unis, Bill Clinton.

Dans son discours fascinant de 45 minutes, prononcé sans notes, l'ancien président a montré pourquoi il est généralement considéré comme l'un des meilleurs orateurs de notre époque. Il a félicité le Canada de faire preuve d'une « conscience communautaire » — de reconnaître que nous dépendons tous les uns des autres —, ce qui se manifeste par un souci marqué pour tous nos citoyens. Il a dit que les États-Unis et le monde en général auraient avantage à adopter une telle approche dans des dossiers aussi divers que les soins de santé et l'aide accordée aux moins nantis.

L'ancien président a également parlé du rôle des universités :

Le Canada et les États-Unis ont bâti de grands pays vibrants et dynamiques, en se fondant, en partie, sur la méritocratie — et n'est-ce pas ce que fait une grande université? Elle prend un enfant, un jeune garçon ou une jeune fille, sans égard à ses antécédents, et lui donne une chance d'apprendre ce qu'il peut, de faire ce qu'il rêve de faire et cela donne des résultats remarquables.

Il a aussi parlé du développement du tiers monde, en disant :

[...] on peut trouver l'intelligence des jeunes de McGill n'importe où dans monde; l'intelligence est distribuée de façon uniforme, tout comme le sont les rêves, mais les structures, qui permettent d'assurer la réussite des actions entreprises et de l'investissement dans les perspectives d'avenir, ne le sont pas. Il nous sera simplement impossible de bâtir le monde dont nous avons besoin à moins que, dans les pays riches, nous ne soyons vraiment honnêtes face au gaspillage d'argent et au désir de s'accrocher à l'ancienne façon de faire les choses.

Honorables sénateurs, voilà des paroles bien réfléchies.

Sœurs par l'esprit

L'honorable Lilian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le 4 octobre, des veilles à la chandelle ont eu lieu d'un bout à l'autre du Canada, dans le cadre du projet « Sœurs par l'esprit », à la mémoire des femmes et des jeunes filles autochtones disparues ou assassinées.

C'est une journée importante pour lancer publiquement un appel à l'action, à la responsabilisation et à la justice pour les femmes autochtones. C'est le moment pour les Canadiens de prendre position et de réclamer des mesures afin d'attirer l'attention sur cette question de la violence contre les femmes. Cette année, 72 veilles à la chandelle ont eu lieu dans 69 localités d'un océan à l'autre, ce qui est assez remarquable.

Selon l'Association des femmes autochtones du Canada, 520 cas de disparition ou de meurtre de femmes ou de jeunes filles autochtones ont été rapportés au cours des 30 dernières années. Toutefois, on ne connaît pas le nombre exact de femmes ou de jeunes filles autochtones qui sont disparues ou qui ont été assassinées. Il est donc fort possible qu'un nombre important d'autres cas n'aient pas été rapportés ou documentés de façon officielle.

Au cœur de cette crise, il y a une épidémie qui existe au sein de la société canadienne, une épidémie qui touche les femmes autochtones simplement parce qu'elles sont Autochtones. Ces femmes sont la cible de toutes les formes de violence, particulièrement de violence sexuelle et de violence raciale, et les taux observés pour ce qui est de

la fréquence de ce phénomène sont élevés. Ainsi, les femmes autochtones sont cinq fois plus susceptibles de mourir à cause de la violence que les femmes non autochtones.

Honorables sénateurs, il y a plusieurs facteurs sous-jacents qui contribuent à ce problème. Prenons, par exemple, le taux de pauvreté élevé chez les femmes autochtones. Trop souvent, ces femmes et ces jeunes filles n'ont pas de soutien social ni de ressources pour les aider à faire de meilleurs choix dans la vie. Elles sont donc laissées dans une situation de vulnérabilité, sans avoir personne pour les guider. Beaucoup d'entre elles se retrouvent avec un sentiment de désespoir et d'impuissance, sans avoir le choix, sans pouvoir espérer une vie plus saine et plus sûre à l'avenir.

Non seulement il est alarmant de constater que plus de la moitié des meurtres et des disparitions de femmes et de jeunes filles autochtones se sont produits au cours des dix dernières années, mais c'est aussi étonnant de voir que la majorité de ces femmes avaient moins de 30 ans. Près de la moitié de ces cas demeurent non résolus, sans que des accusations aient été portées. C'est inquiétant. Cela donne vraiment à penser que les femmes autochtones n'ont aucune importance et qu'on peut se passer d'elles.

Honorables sénateurs, nous célébrerons le 18 octobre le 80e anniversaire de l'affaire « personne », qui a permis que les femmes soient reconnues comme des personnes aux yeux de la loi et, par conséquent, qu'elles puissent devenir sénateurs. Le nombre de femmes autochtones disparues et assassinées montre clairement que nous avons encore beaucoup de travail à faire avant que ces femmes soient aussi des personnes respectées et appréciées.

Visiteurs au Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'article 18 du Règlement enjoint au Président de maintenir l'ordre au Sénat. Je suis convaincu que vous me reprocheriez de manquer à ce devoir et de porter atteinte au Règlement si je ne soulignais pas que nous avons derrière la barre la personne qui a détenu pendant le plus longtemps le poste de Président à l'autre endroit.

Des voix : Bravo!

Le très honorable Jean Chrétien, C.P., C.C., O.M.

Félicitations pour avoir reçu l'Ordre du mérite

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je veux parler aujourd'hui d'un Canadien remarquable, un fonctionnaire dévoué et un dirigeant mondial respecté, soit le très honorable Jean Chrétien, et du grand honneur qui lui a été décerné. Hier, notre ancien premier ministre a été officiellement décoré de l'Ordre du mérite au palais de Buckingham, à Londres, par la reine Elizabeth II. Il est devenu le 24e membre de l'ordre. Il s'agit là d'un honneur spécial, pas uniquement pour lui, mais pour tous les Canadiens.

En 1902, le roi Édouard VII a créé l'Ordre du mérite pour honorer les individus qui s'illustrent de façon exceptionnelle dans le domaine des arts, le savoir, les sciences et le service au public. Les membres de l'Ordre du mérite ne sont pas nommés sur l'avis d'un gouvernement ou d'un ministre, mais les nominations sont faites par la reine, personnellement, à titre de récompense.

Étant un membre actif du Parti libéral du Canada depuis de nombreuses années, mes rapports avec M. Chrétien remontent à loin. Il a ouvert le Parti libéral à des Canadiens de toutes les couches de la société. Il a fait en sorte qu'il a été possible à ma famille et à moi de jouer de nombreux rôles au sein du parti et il est allé encore plus loin — avec l'aide du sénateur Mercer — pour faire en sorte que des personnes de toutes origines travaillent pour le parti et pour les institutions canadiennes.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous savons que l'équilibre entre les hommes et les femmes au Sénat est nettement meilleur grâce aux nombreuses femmes que M. Chrétien a nommées à cette institution. Avec le soutien apprécié et les conseils de sa femme, Aline, M. Chrétien a donné corps au rêve des Célèbres cinq, à qui nous avons récemment rendu hommage.

M. Chrétien était conscient qu'un mal frappe l'ensemble de l'humanité; il croyait que les parlementaires doivent être également préoccupés par ce mal pour que le monde devienne un endroit meilleur. Aujourd'hui, il travaille dans de nombreux pays, y compris dans mon pays d'origine, l'Ouganda, afin d'améliorer la vie des gens.

M. Chrétien a beaucoup de respect pour le Sénat et a exhorté tous les sénateurs à se respecter les uns les autres en dépit de leurs différences.

Dans son dernier discours à la Chambre des communes, il a déclaré :

Nous essayons trop de nous attaquer aux personnes. Nous accordons trop d'importance à des choses sans importance. J'exhorte tous les députés à ne pas se faire prendre à ce piège qui fait vendre des journaux, mais qui détruit cette institution.

Honorables sénateurs, je pourrais vous dresser la liste de toutes les réussites marquantes de la carrière de M. Chrétien. Cependant, j'estime que la meilleure façon de lui rendre hommage, c'est de célébrer sa passion pour le bien-être des Canadiens et l'institution du Parlement.

Des voix : Bravo!

Ted Harrison

L'honorable Hector Daniel Lang : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à un artiste de renommée nationale et internationale qui a saisi la magie du Yukon canadien et l'a fait connaître dans le monde entier. Je veux parler du seul et unique Ted Harrison, du Yukon.

La semaine dernière, Val et moi avons eu la chance unique d'accompagner Ted et sa biographe, Katherine Gibson, à un thé offert par Mme Harper en hommage à Ted, dont les 12 illustrations originales du Canada ont été accrochées aux murs du 24, promenade Sussex.

Ted a fait don de cette précieuse collection au Fonds Canadiana. Il était enthousiaste à l'idée de la voir exposée dans le foyer de la résidence du premier ministre. C'est là que Ted a eu l'occasion de rencontrer la fille de Mme Harper, une élève de cinquième année qui avait étudié son œuvre.

(1350)

Je remercie également Harvey Slack et Paul Lebarge, qui étaient présents. Ils ont travaillé d'arrache-pied pour que cet événement ait lieu.

Plus tard dans la semaine, Ted a participé à une exposition de ses œuvres et au lancement, pour l'Est du Canada, de sa biographie, Ted Harrison : Painting Paradise, dont l'auteure est Katherine Gibson. Ce livre est très bien fait et je recommande à tous les sénateurs d'en acquérir un exemplaire pour leur collection d'ouvrages canadiens.

Au fil des ans, Ted Harrison a reçu de nombreuses distinctions, y compris l'Ordre du Canada. À 83 ans, Ted continue de peindre et ses œuvres sont très recherchées par les collectionneurs et les conservateurs. Pourtant, ses œuvres n'ont pas encore trouvé place au Musée des beaux-arts du Canada. En fait, aucun artiste du Yukon n'y est encore représenté.

Bien des admirateurs de Ted se demandent pourquoi. J'espère que cette reconnaissance nationale prestigieuse lui sera manifestée le plus tôt possible.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La condition féminine

La violence faite aux femmes

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le mois dernier, lors de la première conférence internationale du G8 sur la violence faite aux femmes, le gouvernement du Canada n'était pas représenté.

Des voix : C'est une honte!

Le sénateur Callbeck : En fait, la seule personne provenant du Canada à être présente était le député de l'opposition Irwin Cotler, qui y avait été invité à titre de conférencier spécial.

Le gouvernement fédéral ne reconnaît-il pas que la violence faite aux femmes est un grave fléau dans ce pays?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question.

Bien entendu, le gouvernement reconnaît que la violence à l'égard des femmes est un grave problème. Quiconque dirait le contraire déformerait les faits.

Comme le sait le sénateur Callbeck, le gouvernement a lancé une campagne massive de sensibilisation visant la violence envers les personnes âgées. Bon nombre des modèles et principes utilisés dans cette campagne vont dans le même sens que ceux des campagnes menées par le passé, par le gouvernement fédéral comme par les provinces, au sujet de la violence contre les femmes.

À mon avis, cette question dépasse les considérations partisanes; elle échappe à tout esprit partisan. Qu'on soit libéral, conservateur, néo-démocrate ou autre, on s'attaque sérieusement à la question de la violence à l'égard des femmes.

Je suis contente que le sénateur m'ait posé la question, car je peux ainsi faire savoir clairement que la violence contre les femmes, ou contre tout autre membre de la société, ne peut et ne doit pas être tolérée.

Le sénateur Callbeck : En tout respect, madame le ministre, les gestes sont plus éloquents que les mots. Si le gouvernement canadien considère la violence contre les femmes comme un grave problème, pourquoi, alors, brillait-il par son absence lors de la première conférence du G8 sur la question?

Je trouve embarrassant que le Canada n'ait pas été représenté, contrairement aux autres pays du G8, par un ministre ou un ambassadeur. Pourquoi la ministre ou son représentant n'ont-ils pas participé à cette conférence du G8?

Le sénateur LeBreton : Je vais devoir poser la question. La participation aux conférences n'est pas la seule méthode que le gouvernement ou n'importe qui d'autre utilise pour lutter contre la violence faite aux femmes. En tant que gouvernement et société, nous prenons de nombreuses dispositions pour créer des conditions propices à l'avancement des femmes dans notre société. Les femmes — je l'ai déjà dit — sont présentes dans tous les secteurs de la société. Elles sont présentes dans des assemblées comme la nôtre. Elles sont plus nombreuses à obtenir un diplôme universitaire, à exercer le droit ou un métier dans le domaine de la santé, ou encore dans le milieu universitaire et dans le domaine des sciences et des technologies. Les femmes sont même plus nombreuses chez les gens de métier.

Comme je le disais un peu plus tôt, la violence faite aux femmes est un grave problème. Ce n'est pas une question politique. Quiconque essaie d'en faire une question politique se rend un mauvais service et rend un bien mauvais service aux femmes en général.

Le sénateur Callbeck : Je suis d'accord avec madame le ministre. Il s'agit d'une question très importante. Ce n'est pas une question de politique.

Toutefois, si le gouvernement prend la violence faite aux femmes au sérieux, pourquoi la ministre ou son représentant n'ont-ils pas participé à cette première conférence du G8 sur la violence faite aux femmes?

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai dit, honorables sénateurs, je ne suis pas au courant des raisons.

Le seul fait qu'on participe à une conférence ne veut pas dire en soi qu'on s'attaque au problème de la violence faite aux femmes ou de la violence contre toute autre personne dans notre société. Je ne sais pas pourquoi. Il existe probablement de bonnes raisons valables. Je vais essayer de me renseigner.

Par contre, dire que, parce qu'il n'a pas envoyé de ministre à une conférence, le gouvernement ne prend pas la violence faite aux femmes au sérieux, est insultant.

Le programme électoral du Parti conservateur

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le Caucus libéral national féminin a publié le troisième volume de son livre rose, intitulé Un plan d'action pour les Canadiennes.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tardif : Le Parti libéral prend les questions concernant les femmes très au sérieux, comme c'est le cas de tous les Canadiens.

Le gouvernement, au contraire, a supprimé le Programme de contestation judiciaire, qui permettait aux femmes de se faire entendre devant les tribunaux; il a fermé 12 bureaux de Condition féminine Canada dans tout le pays; il a coupé le financement destiné aux groupes de défense et à la recherche; il a privé les femmes de l'équité salariale; il a renié les accords concernant l'apprentissage préscolaire et les services de garderie que le gouvernement libéral précédent avait conclus avec toutes les provinces. Les femmes de Canada méritent mieux que cela.

J'ai une question simple à poser : quand les Canadiens peuvent-ils espérer voir le premier volume du livre rose des conservateurs? Ou bien est-ce que la seule chose que le gouvernement a à offrir aux Canadiennes, ce sont des coupes sombres dans les programmes d'aide existants?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, si je comprends bien, il s'agit de la troisième édition du livre rose J'espère bien qu'il aura plus de succès que les deux précédents.

Nous, au gouvernement, de ce côté-ci de cette enceinte, au Parti conservateur, nous n'avons pas besoin de publier un livre rose pour prouver notre engagement à l'égard des femmes.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : En fait, c'est notre parti politique qui a permis aux femmes d'avoir le droit de vote et c'est aussi de notre parti politique qu'était issue la première femme à devenir ministre.

C'est toujours la même rengaine dans cette enceinte. Il aurait fallu que, d'une façon ou d'une autre, les programmes qui ont été mis en place sous le gouvernement du sénateur soient maintenus par le gouvernement actuel. Nous avons été élus pour notre programme.

(1400)

Pour reprendre les paroles d'une femme célèbre du Parti libéral, qui parlait alors du programme libéral des garderies, il s'agissait d'une vache à lait pour le gouvernement. C'est Sheila Copps qui avait utilisé ces mots.

Nous croyons à l'entière participation des femmes à la vie économique, sociale et démocratique du Canada. Je suis fière du fait que nous avons, proportionnellement, le plus grand nombre de femmes au Cabinet dans l'histoire de notre pays. Aux dernières élections, notre parti a montré sa volonté de faire en sorte que les femmes participent à la vie politique en faisant élire le plus grand nombre de femmes. Vingt-trois conservatrices ont été élues, ce qui représente 37 p. 100 des candidates conservatrices.

On raconte que nous avons réduit le financement de Condition féminine Canada, mais ce n'est pas le cas. En fait, nous l'avons accru. La politique libérale avait pour effet que plusieurs personnes travaillant dans des bureaux discutaient entre elles. Nous avons plutôt investi dans les collectivités pour aider les femmes là où elles vivent et travaillent. Voilà ce que nous avons fait.

Comme les sénateurs le savent, la ministre d'État à la Condition féminine travaille à la mise au point d'un plan d'action pour les femmes. En tant que femme, je trouve assez insultant que madame le sénateur Tardif s'imagine que le Parti libéral est mieux placé pour défendre la cause des femmes. Ce n'est pas le cas.

Madame le sénateur Milne secoue la tête parce qu'elle n'aime pas ce que je suis en train de dire.

J'ai aussi entendu le sénateur Jaffer nous exposer, dans sa déclaration, tout ce que Jean Chrétien avait fait pour les femmes. J'ai déjà occupé un poste qui me permettait de promouvoir la situation des femmes en faisant des nominations. Le gouvernement précédent a nommé des femmes dans moins de 15 p. 100 des cas, et toujours dans des postes stéréotypés — par exemple, ces femmes siégeaient à des conseils d'organismes de santé ou travaillaient pour l'assurance-emploi.

Quand nous avons formé le gouvernement, nous avons nommé des femmes à la tête d'Exportation et développement Canada, du Tribunal de l'aviation civile et du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). La proportion de femmes occupant des postes importants est passée de moins de 15 p. 100 à 33 p. 100 grâce à nous. En passant, en tant que gouvernement, nous avons aussi nommé Mobina Jaffer à son poste.

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, il s'agit de toute évidence d'une question très délicate pour le gouvernement.

[Français]

Il est évident aussi, honorables sénateurs, que le gouvernement conservateur ne voit pas les choses en rose. Sous ce gouvernement, le terme « égalité » a été effacé du mandat de Condition féminine Canada. Or, l'égalité des droits, madame le leader, est une valeur fondamentale de la société canadienne.

Quand le gouvernement cessera-t-il de réduire au silence les organismes de lutte pour l'égalité des femmes? Quand les femmes peuvent-elles s'attendre à voir le Programme de contestation judiciaire réinstauré?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Les sénateurs me trouvent peut-être émotive au sujet de ce dossier. Eh bien oui, parce que j'en ai marre de cette mythologie et de cette croyance selon laquelle les libéraux sont les seuls à pouvoir parler au nom des femmes. Ce n'est tout simplement pas le cas.

En réalité, notre gouvernement a augmenté de 42 p. 100 le budget des programmes de promotion de l'égalité des femmes administrés par Condition féminine Canada. C'est 42 p. 100 de plus que ce que le gouvernement précédent a investi dans le Programme de promotion de la femme.

Ce dossier m'émeut, parce que je sais de quoi je parle. J'ai participé à l'avancement et à la promotion des femmes pendant plusieurs années au sein du Parti conservateur, et je suis très fière du premier ministre Stephen Harper, des femmes qui siègent au Cabinet et de notre engagement à l'endroit des Canadiennes.

Les finances

Le plan de relance économique—La répartition des fonds

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Nous avons appris dimanche que la présentation du deuxième rapport du gouvernement conservateur sur les progrès réalisés dans le cadre de son Plan d'action économique hautement médiatisé avait coûté 108 000 $ aux contribuables. Et c'est sans compter les frais d'utilisation de l'avion Challenger pour l'occasion, soit 22 000 $ au minium, ce qui porterait le coût total de l'événement à au moins 130 000 $.

La séance de photo qui a eu lieu à Cambridge, le 11 juin, aurait pu et aurait dû être tenue à la Chambre des communes, à peu de frais, et même sans frais. Le gouvernement Harper s'est plutôt appliqué à mettre sur pied un événement réservé aux conservateurs. Encore une fois, il semble que ce gouvernement soit incapable de faire la différence entre les coffres de l'État et ceux du parti lorsque vient le temps de faire sa propre promotion.

Alors que les Canadiens perdent leur emploi et qu'ils ont de la difficulté à joindre les deux bouts, le premier ministre croyait-il faire preuve d'une saine gestion en dépensant plus de 130 000 $ de l'argent des contribuables pour organiser une séance de photo?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, il faut le faire! Les libéraux qui se préoccupent de l'argent des contribuables.

En réalité, le gouvernement a présenté son Plan d'action économique en janvier. Devant l'insistance de l'opposition, on a décidé de présenter régulièrement des rapports sur les progrès réalisés grâce aux mesures de relance et à ce plan.

Depuis le début, nous avons été clairs là-dessus. Nous croyons que le pays est plus important que la simple région d'Ottawa. Nous ne nous excuserons pas du fait que le premier ministre se rend un peu partout au pays, par exemple à Saint John, au Nouveau- Brunswick, ou à Cambridge, pour faire la promotion du gouvernement.

De plus, au lieu de se fier aux journaux, si madame le sénateur avait fouillé le dossier, elle se serait rendu compte que plus de 50 000 $ de cet argent ont servi à l'impression, dans les deux langues officielles, de la mise à jour du Plan d'action économique.

Le sénateur Comeau : À la demande des libéraux.

Le sénateur Cordy : Aucun d'entre nous — aucun sénateur, aucun premier ministre, aucun député — ne devrait avoir à s'excuser pour ses déplacements au pays afin de rencontrer les Canadiens. Toutefois, les contribuables méritent des excuses lorsqu'on utilise l'argent qu'ils gagnent durement pour des raisons partisanes.

Ces activités étaient réservées exclusivement aux conservateurs, et les médias n'ont pas pu poser de questions. En fait, au cours de l'activité tenue à Saint John, un député du Nouveau-Brunswick, Brian Murphy, s'est vu refuser l'accès à la salle, pas une, mais trois fois.

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Cordy : Selon des enquêtes menées récemment par l'Ottawa Citizen et le Halifax Chronicle-Herald, un pourcentage disproportionné des sommes prévues pour la relance dans le Plan d'action économique sont distribuées dans des circonscriptions représentées par des conservateurs, tandis que les autres Canadiens, dont ceux de ma circonscription, Dartmouth, attendent toujours leur juste part de ces investissements.

Par ailleurs, le rapport du directeur parlementaire du budget publié la semaine dernière indique que les détails sont tellement rares qu'il est impossible de confirmer si les mesures donnent des résultats.

Des voix : Le vote!

Le sénateur Cordy : À Oakville, le mois dernier, après qu'un candidat conservateur eut déclaré qu'un projet avait été annulé parce que la circonscription était libérale, le premier ministre a dit qu'il pourrait fournir une liste des annonces faites d'un bout à l'autre du pays.

(1410)

Trois semaines plus tard, lorsque Stephen Maher, reporter au Chronicle Herald de Halifax, a demandé la liste à plusieurs reprises, les gens au cabinet du premier ministre lui ont répondu de cesser de les importuner et lui ont suggéré de cliquer sur 6 000 liens sur un site gouvernemental pour dresser sa propre liste.

Je demande au leader du gouvernement : est-ce là l'idée que se fait le gouvernement de l'ouverture et de la responsabilité?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, ils comptent sur Stephen Maher et Glen McGregor pour leurs recherches, et, bien entendu, sur leur reporter maison, Joan Bryden.

Il est intéressant que ces personnes disent maintenant qu'elles ne peuvent pas déterminer où l'argent a été dépensé alors que, depuis deux jours, elles nous accusent de l'avoir dépensé. Que de contradictions.

Honorables sénateurs, le fait est que l'étude présumée de Stephen Maher et Glen McGregor repose sur un critère d'évaluation arbitraire, soit un minimum de 1 million de dollars. Je vais donner une liste de quelques-uns des plus gros projets. Ce ne sont que les projets menés à Toronto, où un demi-milliard de dollars ont été alloués; or, il n'y a pas un seul siège conservateur à Toronto. En outre, le maire de Toronto a remercié le premier ministre pour tous les efforts déployés par le gouvernement.

Lorsque Stephen Maher et Glen McGregor se joignent à Gerard Kennedy, vous pouvez être certains que la qualité des recherches en prend un coup.

Je vais passer en revue certains des plus gros projets. Ce sont ceux que Stephen Maher, Glen McGregor et Gerard Kennedy ne se sont pas donné la peine de mentionner. Certains s'élèvent à des centaines de millions de dollars, comme le projet de liaison rapide Evergreen, celui de la ligne de métro Spadina de Toronto-York, celui de la ligne de métro Sheppard et celui du Centre des congrès d'Ottawa, tous dans des circonscriptions de l'opposition.

Si les sénateurs regardent la carte électorale des dernières élections, la majeure partie du territoire du pays est représentée par des candidats conservateurs. Toutefois, nous ne nous préoccupons pas des frontières entre les circonscriptions. Nous travaillons en collaboration avec les municipalités et les gouvernements provinciaux, et des sommes ont été attribuées à certains députés. Pourquoi? Parce que la route Transcanadienne traverse leur circonscription. Bien entendu, on présume qu'il s'agit de travaux d' infrastructure dans leur circonscription.

Stephen Maher et Glen McGregor sont revenus à la charge aujourd'hui au sujet du programme Infrastructure de loisirs du Canada. Je vais donner d'autres exemples.

En Ontario, sur les 57 projets d'une valeur maximale de 1 million de dollars, 28 ont été attribués à des circonscriptions détenues par le parti gouvernemental et 29 ont été attribués à des circonscriptions détenues par l'opposition.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : L'article déclare, à tort, que la circonscription conservatrice de Kenora a reçu plus de projets que n'importe quelle autre circonscription, alors que c'est la circonscription néo-démocrate de Trinity-Spadina qui a le plus de projets en Ontario. Elle a en effet reçu 67 des 766 projets. Ces projets ont une valeur totale de 13 millions de dollars.

Dans les provinces de l'Atlantique, approximativement 85 des 130 projets financés par Infrastructure des loisirs Canada ont été attribués à des circonscriptions de l'opposition.

En Alberta, seule une circonscription est détenue par l'opposition. Nous n'y pouvons rien. Cependant, notre gouvernement a investi 1 million de dollars dans la construction d'une installation locale dans cette circonscription.

Il y a également une seule circonscription détenue par l'opposition en Saskatchewan — nous savons qui la représente — et, pourtant, notre gouvernement a investi dans pas moins de quatre projets financés par d'Infrastructure des loisirs Canada dans cette circonscription.

Au Québec, le gouvernement provincial est l'entrepreneur principal en matière d'infrastructure. C'est donc lui, et non le gouvernement fédéral, qui classe les projets par ordre de priorité. Jusqu'à présent, un seul projet financé par ce programme a été attribué à une circonscription conservatrice.

Je suggère au sénateur Cordy de demander à ses bons amis, Stephen Maher et Joan Bryden, de dire la vérité la prochaine fois qu'ils rédigeront un article.

La citoyenneté, l'immigration et le multiculturalisme

La perte de citoyenneté

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, je poserai ma question quand je pourrai m'entendre parler.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je suis sûre qu'elle en est étonnée.

Nous célébrons cette semaine la Semaine de la citoyenneté. Cette dernière vise à encourager tous les Canadiens à réfléchir à la valeur de la citoyenneté, à ce que signifie le fait d'être Canadien, ainsi qu'aux droits, responsabilités et privilèges associés à la citoyenneté. Toutefois, pour les 81 Canadiens qui se voient encore refuser la citoyenneté en raison d'omissions dans la loi actuelle, cette semaine leur rappelle que ces droits, ces privilèges et ces responsabilités sont toujours hors de leur portée.

Que fait le gouvernement pour s'assurer que ces 81 personnes pourront obtenir ou récupérer leur citoyenneté le plus rapidement possible?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Milne de sa question. Comme vous le savez, le ministre Kenney et le gouvernement ont entrepris d'apporter bon nombre de changements en ce qui a trait à ceux que l'on appelle les citoyens perdus. Je sais qu'il y en a encore 81. Je n'ai pas de réponse précise pour l'instant, mais je me ferai un plaisir de prendre note de la question.

Le sénateur Milne : J'en remercie la ministre. Ces gens apprécient vraiment tout ce que le ministre Kenney a fait pour eux, mais il reste encore 81 dossiers non réglés.

Bon nombre de promesses ont été faites à cet égard par le passé. Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas accélérer le processus pour 81 personnes? Bon nombre de ces personnes ont servi dans les rangs des Forces armées canadiennes au cours de la Seconde Guerre mondiale et elles méritent d'être reconnues comme étant des Canadiens. J'espère que la ministre réussira à pousser le gouvernement à agir dans ce dossier.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. À un certain moment, madame le sénateur Milne et moi avons siégé au même comité, où nous nous sommes penchées sur cette question. Je crois que le Président y a également participé. Comme je l'ai souligné dans ma réponse à la question précédente, je vais certainement prendre note de la question et rapporter une réponse le plus tôt possible.

Les ressources humaines et le développement des compétences

L'emploi chez les femmes

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. J'aimerais revenir au sujet que je soulève dans cette enceinte depuis plusieurs jours, en l'occurrence la reprise sans création d'emplois. Aujourd'hui, j'estime que nous devons nous concentrer sur cette reprise, notamment parce qu'elle a une incidence sur les femmes.

Les statistiques récentes révèlent que le chômage affecte, semble-t- il, les femmes plus que les hommes. Nous croyons tous à l'égalité, or, il semble y avoir inégalité en termes d'emploi, même en ce qui concerne les quelques emplois qui sont créés.

Il semble que les mères célibataires, les étudiantes, les mères seules plus âgées et les femmes sous le seuil de la pauvreté ressentent toutes davantage les effets pernicieux de cette reprise sans création d'emplois. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait- elle donner des statistiques qui confirment cette situation?

Une bonne partie de cette information vient des journaux, et j'apprécierais que le gouvernement nous donne des chiffres précis concernant ces catégories de citoyens.

En admettant que j'aie raison, est-ce que le gouvernement a prévu un plan de rechange pour remédier à la situation?

En outre, si madame le leader nous donne des statistiques, ne serait-il pas utile que nous nous formions en comité plénier, si elle y consent, pour que tous les sénateurs puissent participer au débat et chercher des façons d'aider ces travailleuses et ces chômeuses qui n'arrivent pas à retrouver un emploi?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme il l'a indiqué, il y a énormément de désinformation au sujet du profil des chômeurs. Récemment, j'ai lu ou j'ai regardé un reportage où on disait que ce sont surtout des hommes qui ont perdu leur emploi et qu'énormément de femmes travaillent dans les secteurs de l'éducation et des soins de santé, secteurs qui n'ont pas autant subi les contrecoups du ralentissement économique mondial que les autres.

Pour ce qui est des travailleurs à faible revenu et des immigrants, je n'ai pas de statistiques en main pour le moment. Je vais vérifier si de telles données existent. Cela doit pouvoir se trouver, à mon avis, mais je n'en ai pas à fournir en ce moment. Je prends note de la question.

(1420)

Comme je l'ai signalé au sénateur Grafstein plus tôt, les décisions du Sénat touchant la tenue de séances de comités ne sont pas du ressort du leader du gouvernement au Sénat.

Le sénateur Grafstein : Je sais gré au leader de cette réponse. J'ai moi aussi pris connaissance de ce rapport sur les travailleuses professionnelles. Je crois qu'on y laissait entendre que les professionnelles sont moins durement touchées que les hommes dans ce secteur, ce créneau.

Ma question est de portée beaucoup plus vaste, et j'espère que, dans sa réponse, madame le leader établira une distinction par rapport aux autres secteurs que j'ai mentionnés, tout ceci reposant sur des renseignements empiriques, étant donné que l'on ne dispose pas de données à jour, à moins de s'adresser au ministère des Finances ou à la Banque du Canada pour en obtenir.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de la précision. Je vais m'efforcer d'obtenir les renseignements demandés.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des participants au septième Colloque parlementaire canadien de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable John D. Wallace propose que le projet de loi C-25, Loi modifiant le Code criminel (restriction du temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-25, qui propose de réduire le crédit accordé aux accusés pour le temps qu'ils ont passé en détention présentencielle. Ce projet de loi fait suite à l'engagement que le gouvernement avait pris d'assurer la sécurité de nos collectivités et de lutter contre la criminalité en limitant le crédit pour le temps déjà passé en détention accordé aux accusés en détention provisoire à cause de leurs antécédents criminels ou parce qu'ils ont violé les conditions de leur liberté sous caution.

Le projet de loi C-25 guidera les tribunaux dans la détermination de la peine en limitant le crédit accordé pour les jours passés en détention présentencielle, qu'on appelle parfois détention préventive.

Règle générale, les tribunaux accordent deux jours de crédit pour chaque jour passé en détention présentencielle à cause de certains facteurs tels que la surpopulation dans les centres de détention provisoire, l'absence de programmes de réadaptation normalement disponibles en détention présentencielle, et le fait que le temps passé dans un centre de détention provisoire n'est pas pris en compte aux fins de déterminer l'admissibilité à la libération conditionnelle.

Dans certains cas, les tribunaux ont accordé un crédit selon un ratio supérieur à deux pour un lorsque les conditions de détention étaient très mauvaises, en raison, par exemple, de la très forte densité de détenus.

Le fait d'augmenter le temps alloué pour détention sous garde avant le prononcé de la peine a contribué à l'accroissement important du nombre de personnes en détention provisoire, c'est- à-dire celles qui attendent leur procès. Ce nombre dépasse actuellement celui des personnes qui purgent une peine dans les établissements carcéraux des provinces et des territoires.

Les plus récentes données montrent que la détention provisoire compte pour 54 p. 100 des nouvelles admissions dans les établissements carcéraux des provinces et des territoires. Cela explique pourquoi, dans leur réunion de 2006 et de 2007 ainsi que de septembre 2008, les procureurs généraux des provinces et les ministres des Services correctionnels ont encouragé le ministre de la Justice à limiter le temps alloué pour détention sous garde avant prononcé de la peine pour aider à diminuer la population en détention provisoire.

Cet appui a été confirmé lors de la comparution de deux ministres de la Justice et procureurs généraux de l'Ouest devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 1er octobre 2009.

Les ministres Alison Redford, de l'Alberta, et Dave Chomiak, du Manitoba, ont exprimé leur appui catégorique au projet de loi C-25, affirmant qu'il représente une approche efficace à la réduction du nombre de personnes en détention provisoire.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi le crédit accordé pour la détention présentencielle a contribué à l'augmentation du nombre de personnes en détention provisoire. Certains soutiennent que ce crédit peut inciter des personnes accusées à prolonger délibérément leur séjour en détention provisoire dans le but d'obtenir une peine d'emprisonnement plus courte grâce au crédit. Les indications de cet incitatif vont au-delà de l'anecdote.

Dans l'affaire R. c. Sooch, La Cour d'appel de l'Alberta a dû déterminer si le contrevenant, qui avait été reconnu coupable de voies de fait graves et qui n'avait pas présenté de demande de libération sous caution afin d'accumuler du temps de détention provisoire, devait obtenir plus d'une journée de crédit pour chaque jour passé en détention provisoire.

Le tribunal a jugé que le crédit accordé selon un ratio supérieur à un pour un pour les jours passés en détention présentencielle ne devrait pas être accordé lorsque le contrevenant choisit délibérément de ne pas présenter de demande de libération sous caution lorsque cela est une possibilité viable.

De plus, partout au pays, les procès sont de plus en plus complexes et de plus en plus longs. De nombreux procès exigent plusieurs comparutions devant les tribunaux. Cela signifie que les détenus passent moins de temps en garde ordonnée parce qu'ils passent trop de temps en détention provisoire.

Par exemple, en 1994-1995, 35 p. 100, soit environ un tiers, des personnes en détention provisoire s'y trouvaient depuis plus d'une semaine. Dix ans plus tard, en 2004-2005, 45 p. 100 de la population carcérale en détention provisoire, soit près de la moitié, s'y trouvaient depuis plus d'une semaine. Il est important de signaler que d'autres initiatives ont été présentées pour harmoniser l'administration de la justice. Le projet de loi C-25 contribue beaucoup à cet objectif.

La pratique qui consiste à accorder un crédit de plus d'un jour pour chaque jour passé en détention laisse l'impression que la peine réelle est plus courte qu'elle devrait l'être et qu'elle n'est pas proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Les Canadiens nous ont clairement dit qu'ils aimeraient voir une plus grande adéquation de la peine et du crime en mettant fin à la pratique consistant à compter en double la détention provisoire antérieure à un procès.

C'est exactement ce que fait le projet de loi C-25. Il propose comme règle générale d'accorder un crédit de seulement un jour pour chaque jour de détention présentencielle. Cependant, il donne aux tribunaux la possibilité d'accorder un crédit d'un jour et demi lorsque cela est justifié. La surpopulation extrême des pénitenciers serait une des circonstances qui justifierait l'accord de plus d'un jour de crédit pour chaque jour de détention présentencielle. Lorsqu'un individu mis en accusation est détenu pour non-respect des conditions de sa mise en liberté sous caution ou en raison de son casier judiciaire, un crédit d'un seul jour doit lui être accordé pour chaque jour de détention présentencielle. Les tribunaux ont déjà reconnu que les personnes en détention pour non-respect des conditions de la mise en liberté ou en raison du casier judiciaire méritent un crédit de moins de deux jours pour chaque jour de détention présentencielle. Ces modifications reflètent donc la pratique courante. Aucun crédit supplémentaire ne devrait être accordé aux récidivistes et à ceux qui ont enfreint les conditions de leur liberté sous caution.

Le projet de loi C-25 clarifie également le processus d'octroi de crédits pour la détention présentencielle. Il arrive que les juges n'indiquent que la peine résultante sans préciser les crédits accordés pour la détention présentencielle dans les motifs de la peine. Bien évidemment, cela prive la population de renseignements sur les raisons pour lesquelles un délinquant ayant été détenu avant le prononcé de la peine se voit imposer une peine plus courte que ce qu'il aurait normalement reçu. Cela mine la confiance du public à l'égard de l'administration de la justice.

Aux termes du projet de loi, les tribunaux seraient tenus d'indiquer l'infraction, le temps passé en détention, la durée de la peine qui serait imposée sans l'octroi d'un crédit, le crédit alloué et la peine imposée. Ils seraient également tenus d'indiquer pourquoi ils ont alloué un crédit.

Ces exigences donneraient lieu à une certitude et à une cohérence accrues du processus de détermination de la peine et rehausseraient la confiance du public dans l'administration de la justice.

(1430)

Grâce à ce projet de loi, un plus grand nombre de contrevenants purgeraient des peines dans un pénitencier fédéral, c'est-à-dire des peines de deux ans ou plus, et un plus grand nombre de contrevenants passeraient une période plus longue sous garde fédérale.

Certains s'inquiètent des répercussions sur la capacité de nos prisons fédérales, mais le ministre de la Justice a confirmé qu'il n'avait aucune crainte à ce sujet. Une incarcération plus longue pourrait permettre aux contrevenants de bénéficier plus longtemps de programmes qui auraient un effet positif sur eux.

J'apprécie l'appui des provinces et des territoires à cette modification législative qui vise à assurer une meilleure adéquation entre le crime et la peine. J'invite les sénateurs à adopter rapidement le projet de loi.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, l'objet du projet de loi C-25 est important et il est entouré de beaucoup de politicaillerie, terme que je répugne à employer au Sénat. Je l'emploie parce qu'on accorde davantage d'attention aux slogans politiques qu'aux mérites du projet de loi. En réponse au sénateur Wallace, j'ai l'intention cet après-midi de me concentrer sur les mérites du projet de loi tout en évitant le battage ou les slogans politiques.

Les problèmes que je constate dans ce projet de loi se situent sur trois plans. Premièrement, le projet de loi entre sérieusement en conflit avec la Charte. Je ne suis pas en train d'inventer cela cet après-midi devant les sénateurs. Je m'appuie sur les témoignages de cinq experts que nous avons entendus. Je vais les citer au cours de ma présente intervention.

Deuxièmement, le projet de loi aura de sérieuses conséquences sur les conditions de détention dans les prisons et sur le personnel qui est chargé d'y maintenir l'ordre et de servir les détenus.

Troisièmement, le projet de loi nuira profondément aux personnes les plus vulnérables dans le système carcéral, notamment les gens qui souffrent de troubles mentaux, les Autochtones et les femmes. En outre, le projet de loi va congestionner les tribunaux de cautionnement, comme nous l'a dit le président de l'Association canadienne des juristes de l'État. Ce n'est pas ce que recherchaient les rédacteurs du projet de loi. Je reconnais tout à fait l'objectivité de leurs intentions, mais les experts nous parlent de conséquences indésirables.

Permettez-moi de revenir à mon premier point. Le projet de loi entre sérieusement en conflit avec la Charte et prête flanc à la contestation devant les tribunaux.

En tant que sénateurs, nous avons le devoir, lorsqu'on nous demande d'appuyer un projet de loi, de nous questionner sur sa conformité à la Charte. Au cours de l'intervention respectable de notre estimé collègue le sénateur Wallace, ce dernier n'a pas répondu, ni hier ni aujourd'hui, aux objections soulevées par les témoins, qu'il connaît bien, du reste, tout comme les sénateurs Nolin, Angus et Carignan, qui ont participé à l'étude de projet de loi, pendant de longues heures.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous parler de ce que ces experts nous ont dit. Premièrement, nous avons entendu Michael Spratt, de la Criminal Lawyers' Association, nous dire ceci :

Si le projet de C-25 est adopté, cela donnera lieu à des litiges constitutionnels. Le projet de loi C-25 viole la Charte. Il aura comme véritable conséquence d'accomplir une chose que nous ne souhaitons pas faire lorsque nous prononçons une sentence. Lors du prononcé de la peine, nous nous efforçons de traiter pareillement les délinquants semblables qui commettent des infractions semblables.

On peut facilement imaginer plusieurs scénarios dans lesquels des délinquants semblables, qui commettent des infractions semblables et dont les circonstances personnelles se ressemblent, sont châtiés différemment. Un de ces châtiments consiste à passer une longue période de temps dans des établissements de détention provisoire qui n'offrent aucun programme et où les conditions sont difficiles, tout comme les personnes qui n'ont pas obtenu leur enquête sur le cautionnement aujourd'hui. Ils ne participent à aucun programme. [...]

La détention provisoire n'est pas clémente, elle est cruelle.

À cause de ce projet de loi, le délinquant se verra infliger une peine différente selon qu'il aura été placé en détention préventive ou qu'il aura été libéré en attendant son procès. Voilà l'un des effets secondaires du projet de loi tel qu'il est rédigé.

Mark Lapowich, du Conseil canadien des avocats de la défense, a affirmé ceci :

Je pense qu'il ne fait aucun doute [...] qu'il y aura des contestations en vertu de la Charte. Pour ce qui est des précisions, nous pouvons envisager des contestations en vertu de l'article 7, atteinte à la vie, à la liberté, et en vertu du paragraphe 11b), retard injustifié. Nous pouvons nous attendre au dépôt de demandes de sursis et, comme cela a été mentionné précédemment, de contestations en matière de traitements ou peines cruels et inusités relativement à l'argument que vous avez soulevé concernant la façon dont, au cours des 50 dernières années, nous avons si mal respecté les traités que nous avons peut-être signés.

En d'autres termes, il y aura des contestations en vertu de la Charte fondées sur le fait que deux personnes accusées d'avoir commis le même crime dans des conditions identiques, mais dans un contexte complètement différent, pourront recevront des peines différentes. Cela va à l'encontre du principe naturel de justice, à savoir que des personnes qui sont reconnues coupables du même crime dans les mêmes conditions devraient recevoir la même peine et faire face aux mêmes conséquences.

Permettez-moi, honorables sénateurs, de citer un autre représentant de ces groupes objectifs qui viennent habituellement témoigner devant nous. Le secrétaire de la Section nationale du

droit pénal de l'Association du Barreau canadien, Eric Gottardi, a dit ceci :

Je crois qu'il est fort probable qu'il y ait des contestations constitutionnelles. Elles pourraient être nombreuses et variées. [...] Il est très probable qu'il y aura des contestations constitutionnelles de diverses natures.

C'est un membre de l'Association du Barreau canadien qui s'exprimait ainsi.

Puis, nous avons entendu le témoignage de la présidente de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, Lucie Joncas, qui a déclaré ce qui suit :

[Français]

Je crains d'ailleurs pour une évaluation de la constitutionnalité d'une telle pratique. Si la Cour suprême en 2000 a reconnu que c'était tout à fait justifié, je ne vois pas comment, alors que les conditions de détention au provincial se sont détériorées de façon importante, on pourrait dire que cette politique n'est plus justifiée.

[Traduction]

À quelles décisions des tribunaux ces experts font-ils référence? Essentiellement à des décisions rendues à l'unanimité par au moins quatre cours d'appel provinciales, notamment la Cour d'appel du Québec — dont je citerai la décision sous peu —, la Cour d'appel de l'Alberta et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, ainsi que la Cour suprême du Canada.

Quelle décision la Cour suprême du Canada a-t-elle rendue au sujet du principe voulant que l'accusé obtienne un crédit d'une journée pour chaque jour passé en détention présentencielle?

Voici un extrait du paragraphe 45 de la décision rendue à l'unanimité en 2000 dans l'affaire R. c. Wust.

Dans le passé, nombre de juges ont retranché environ deux mois à la peine du délinquant pour chaque mois de détention présentencielle. [...] Le rapport de 2 pour 1 qui est souvent appliqué reflète non seulement la rigueur de la détention en raison de l'absence de programmes, rigueur qui peut être plus grande dans certains cas que dans d'autres, mais également le fait qu'aucun des mécanismes de réduction de la peine prévus par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne s'applique à cette période de détention. Le « temps mort » est de la détention « concrète ».

Que signifie ce paragraphe, en termes clairs? En détention provisoire, l'accusé n'a accès à aucun programme de réadaptation. La période passée en détention présentencielle ne compte pas dans le calcul des délais d'admissibilité à la libération conditionnelle. L'accusé ne peut bénéficier des programmes offerts aux détenus qui purgent leur peine. La personne est soumise, en détention présentencielle, à des conditions beaucoup plus sévères que celles auxquelles elle sera soumise lorsqu'elle purgera la peine imposée par le juge. C'est un point important, un point auquel a réagi l'Association du Barreau canadien par la voie de son président, le 15 septembre. Dans une lettre qu'il signe, celui-ci indique que l'adoption du projet de loi C-25 pourrait donner lieu à une disparité des peines injustifiée.

(1440)

Les tribunaux canadiens ont confirmé le principe selon lequel les juges doivent tenir compte de la durée et des circonstances de toute détention avant procès, par opposition à l'incarcération. Permettez- moi de citer la décision rendue par la Cour d'appel du Québec en 2005. Cette décision a fait l'objet d'un appel auprès de la Cour suprême du Canada, appel que la cour a rejeté. Autrement dit, la Cour suprême du Canada confirme que la décision de la Cour d'appel du Québec est définitive. Voici ce qu'on peut y lire au paragraphe 40 :

Deux raisons principales expliquent donc cette pratique : les conditions de détention plus difficiles lors de la détention provisoire et l'impossibilité de bénéficier des règles de libération conditionnelle pendant cette période. C'est ainsi que l'on a qualifié la détention provisoire de temps mort ou « dead time ».

Une des conclusions les plus éloquentes de cette décision est énoncée au paragraphe 42. Voici :

Par ailleurs, le rapport de 2 pour 1 ne peut être considéré comme un avantage pour l'accusé.

Cela est très important. D'aucuns pensent que le rapport de 2 pour 1 ou de 1 pour 1,5 constitue un avantage, une prime. Cette perception les amène à penser que ce rapport peut donner lieu à une interprétation large, ce que la cour ont infirmé. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendu une décision dans une affaire semblable, l'affaire R. c. Orr, en août 2008. Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 20 de cette décision :

Un crédit moins élevé — habituellement selon le rapport de 1 pour 1,5 — semble plus approprié dans le cas où le contrevenant a été en détention provisoire dans un établissement qui offre des programmes post-sentenciels. Il me semble que dans le prononcé de la peine, le juge qui refuse d'accorder le moindre crédit adopte une approche erronée, compte tenu de l'opinion exprimée par la majorité des cours d'appel au Canada et par la Cour suprême du Canada.

C'est la décision la plus récente.

Autrement dit, il a été établi clairement qu'il y a lieu de maintenir un équilibre entre le temps passé en détention provisoire et le temps passé en prison. Le projet de loi prévoit l'équivalent du rapport de 1 pour 1, le principe fondamental sur lequel s'appuient les cours canadiennes — la Cour suprême du Canada et toutes les cours d'appel provinciales — pour rendre leurs décisions.

C'est facile d'obtenir l'appui de la population à l'égard du principe du 1 pour 1. Toutefois, il enfreint un principe essentiel : les personnes en détention présentencielle ne peuvent pas bénéficier des programmes de réadaptation destinés à les aider à réintégrer la société. Nous souhaitons que les prisonniers remis en liberté se comportent comme de bons citoyens canadiens.

Honorables sénateurs, c'est mon premier point. Deux autres articles du projet de loi posent problème sur le plan de la constitutionnalité. Un de ces articles a été abordé par le sénateur Baker hier. Il s'agit de l'article proposé dans le projet de loi qui permet au juge, lorsqu'il impose ce genre de peine, de ne pas divulguer ses motifs. Nous savons tous qu'une peine peut faire l'objet d'un appel. Il s'agit d'un principe tout aussi fondamental que celui qui permet à quiconque d'interjeter appel d'un verdict de culpabilité. Ce sont les principes fondamentaux de notre système de justice pénale qui repose sur la common law. En vertu de ce projet de loi, les juges ne seraient plus tenus de justifier et d'expliquer les raisons pour lesquelles ils imposent une peine. Cela irait donc à l'encontre d'un des principes fondamentaux de notre système, et il ne fait aucun doute que la porte serait ouverte à des contestations judiciaires. Je ne citerai pas d'arrêts de la Cour suprême du Canada parce que la jurisprudence est claire.

Un autre aspect du projet de loi pourrait prêter flanc à des contestations judiciaires. Le sénateur Nolin a fait valoir ce point

auprès d'un des témoins experts. Il s'agit des raisons pour lesquelles une personne devrait être placée en détention présentencielle. Le témoignage de M. Munson à ce sujet est clair. S'il était interprété différemment de ce qu'on nous a dit qu'il pourrait l'être, des contestations judiciaires seraient possibles.

Il y a au moins trois aspects de ce projet de loi qui soulèvent des questions constitutionnelles fondamentales. C'était mon premier point.

Mon deuxième point, honorables sénateurs, c'est que cette mesure législative engendrera des conditions plus dangereuses dans les prisons canadiennes. La santé et la vie de la population carcérale seront exposées à plus de risques. La même chose est vraie pour le personnel assurant le fonctionnement des prisons. Je n'invente rien. Nous avons eu le privilège d'entendre le témoignage de l'ombudsman des prisons au Canada, une personne impartiale dont le rôle est d'examiner le système carcéral, de prendre connaissance des plaintes, d'évaluer le contexte et de formuler des recommandations.

Le 30 septembre, M. Howard Sapers, l'enquêteur correctionnel du Canada, a témoigné au comité. Voici ce qu'il a dit dans le contexte de notre étude de ce projet de loi :

[...] le projet de loi C-25 mènera probablement à une augmentation considérable de la population carcérale gérée par le Service correctionnel du Canada.

J'insiste sur les mots « une augmentation considérable de la population carcérale ». Il poursuit ainsi :

Une hausse notable de la population carcérale fédérale aura un effet sur la sûreté et la sécurité de cette population, ainsi que sur la capacité des détenus à profiter de programmes et de services qui les aideront à retourner dans leur collectivité.

Écoutez bien cet extrait de son témoignage :

[...] le degré actuel de tension et de violence dans les pénitenciers canadiens est déjà excessif. Par exemple, dans le premier trimestre du présent exercice, les données les plus récentes dont nous disposons, le Service correctionnel a recensé un nombre impressionnant de 2 231 incidents de sécurité et 577 blessures physiques déclarées chez les détenus. Au cours de cette période, les incidents de sécurité ont englobé des agressions contre des détenus, des problèmes disciplinaires, des combats entre détenus, des urgences médicales, des blessures auto-infligées ainsi que trois décès.

Tout cela en trois mois. Multipliez par quatre et vous compterez au moins 12 décès, au moins 10 000 incidents de sécurité et au moins 2 000 blessures physiques déclarées chez les détenus. Pourquoi? Parce que cette mesure législative, une fois en vigueur, aura pour effet d'augmenter de 10 à 12 p. 100 le nombre de détenus, selon les chiffres du service de la statistique juridique de Statistique Canada.

Je reviens au témoignage de l'ombudsman : « Une hausse notable de la population carcérale fédérale aura un effet sur la sûreté et la sécurité de cette population, ainsi que sur la capacité des détenus [...] »

J'ai questionné M. Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada. J'ai son témoignage sous les yeux. J'ai essayé de lui faire dire quel pourcentage de la prétendue augmentation du budget du Service correctionnel du Canada serait consacré aux dépenses associées à l'augmentation de 10 p. 100 de la population carcérale et aux répercussions que cette dernière aura sur la sécurité et la santé des détenus et des membres du personnel. Voici ce que M. Head a répondu :

À ce stade-ci, je ne peux pas dévoiler les chiffres, parce qu'il s'agit de documents confidentiels du Cabinet.

(1450)

En d'autres mots, honorables sénateurs, on nous a dit que nous ne pouvions avoir accès à cette information pour déterminer si ce projet de loi aurait de graves répercussions sur la santé et la vie de la population carcérale et si un montant suffisant serait prévu pour maintenir le niveau actuel de sécurité, ce qui est d'une importance critique, selon ce que l'ombudsman nous a dit.

Cela est très important parce que cela concerne le genre d'approche que nous devrions adopter à l'égard de la population carcérale. Il serait facile, honorables sénateurs, de monter l'opinion publique contre la population carcérale. « Gardons-les en prison. Enfermons-les quelque part et nous n'en entendrons plus parler. » Toutefois, nous devons essayer de comprendre qui sont ces gens. Sont-ils les Clifford Olson de ce monde? Sont-ils tous des criminels endurcis qui ne peuvent être réadaptés ou se trouve-t-il parmi eux d'autres genres de citoyens qui sont eux-mêmes, en quelque sorte, des victimes en raison de leur situation familiale, de leur éducation et de leur origine, entre autres?

J'attire l'attention des sénateurs sur le fait que le projet de loi aura des effets négatifs disproportionnés sur la population carcérale la plus vulnérable. De qui s'agit-il? Vous serez étonnés d'apprendre que je parle ici des délinquants atteints de troubles mentaux.

La population de nos pénitenciers est composée surtout d'Autochtones. Environ 20 p. 100 des détenus canadiens sont d'origine autochtone. Les Autochtones ne composent que 3 p. 100 de la population canadienne, mais ils représentent pourtant 20 p. 100 des personnes incarcérées. En Saskatchewan, ce pourcentage va jusqu'à 80 p. 100 tandis qu'il dépasse les 50 p. 100 au Manitoba.

En d'autres mots, il s'agit de délinquants marqués par un contexte social bien défini. On ne peut pas tout simplement dire que nous allons les mettre sous les verrous et jeter la clé puis que, lorsqu'ils sortiront de prison, tout ira pour le mieux.

Je cite à nouveau M. Sapers, l'ombudsman, qui déclare que :

Ceci est important pour l'étude sur le projet de loi C-25 car les délinquants qui soufrent de maladies mentales et de déficiences sont souvent détenus durant la période de détention présentencielle. Nous savons que le nombre de détenus aux prises avec d'importants troubles de santé mentale à leur arrivée en prison a doublé dans les cinq dernières années.

Un autre témoin a déclaré que : « le nombre d'Autochtones adultes admis en détention provisoire a augmenté de 23 p. 100 [...] alors que le nombre total de personnes en détention provisoire a augmenté de 14 p. 100 ».

En d'autres mots, nous mettons un plus fort pourcentage d'Autochtones en prison et en détention provisoire. C'est un problème grave si nous ajoutons ces chiffres aux chiffres sur les détenus atteints de troubles mentaux. Le problème au sujet des personnes atteintes de troubles mentaux, c'est que, comme le déclarait M. Sapers, « les prisons fédérales hébergent actuellement la plus vaste clientèle psychiatrique du pays ». Cette population a doublé au cours des cinq dernières années. Si quelqu'un demande où se trouve la majorité des Canadiens atteints de problèmes psychiatriques, la réponse sera : dans les prisons. Ils ne sont pas dans des établissements de soins psychiatriques et ne bénéficient pas des soins que l'on voudrait qu'un membre de notre famille atteint de troubles psychiatriques reçoive.

M. Sapers a également déclaré ceci :

[...] malgré les besoins, la capacité du système correctionnel fédéral à gérer et à traiter les cas de maladie mentale est monopolisée par les dossiers les plus lourds et les plus chroniques, soit les personnes qui obtiennent des soins dans l'un des cinq Centres régionaux de traitement. La plupart des autres problèmes de santé mentale font l'objet d'une attention clinique limitée, dans le meilleur des cas.

Cela signifie que lorsqu'ils ont purgé leur peine, ces délinquants sont libérés et qu'ils se retrouvent dans la collectivité sans avoir vraiment la capacité de reprendre une vie normale. La situation est d'autant plus grave que l'accessibilité à la réadaptation a été sérieusement réduite, faute de financement.

Permettez-moi de citer M. Zinger, qui est directeur général et avocat général au Bureau de l'enquêteur correctionnel. Voici un extrait de son témoignage devant le comité :

Le SCC alloue seulement 2 p. 100, soit moins de 41 millions de dollars sur un budget total de 2,1 milliards de dollars, au programme de traitement pour les délinquants.

Pour l'instant, les délinquants doivent composer avec de longues listes d'attente et avec l'annulation de programmes en raison du manque de financement ou de professionnels.

Ils voient également leur date de mise en liberté sous condition retarder en raison de l'incapacité du service de leur fournir en temps opportun les programmes dont ils ont besoin.

Ils doivent donc purger en conséquence leur peine durant une période plus longue avant d'être considérés pour la libération conditionnelle.

Autrement dit, la capacité d'offrir des programmes susceptibles d'aider les ex-détenus à retrouver une vie normale est insuffisante.

Honorables sénateurs, vous comprenez certainement que ces aspects du projet de loi C-25, abstraction faite des manœuvres politiques et des insultes ciblant davantage les émotions que le fond de cette mesure législatives, sont très graves.

Pour conclure, je fais mention d'un autre témoin qui ne comparaît que très rarement devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je siège à ce comité depuis 12 ans et nous n'avions encore jamais entendu le témoignage d'un représentant de l'avocat-conseil de la Couronne. Pourquoi? Évidemment, l'avocat-conseil de la Couronne est le ministère de la Justice, soit provincial, soit fédéral. C'est le gouvernement. Cette fois-ci, nous avons entendu le président de l'Association canadienne des juristes de l'État, M. Jamie Chaffe. C'était extraordinaire de l'entendre témoigner. M. Chaffe a déclaré que son association prévoyait une augmentation de la charge de travail dans le système de libération sous caution. Il y a tout lieu de s'attendre à une telle augmentation puisqu'une partie du processus de détermination de la peine fera désormais partie de l'enquête sur le cautionnement, à laquelle participeront pleinement l'avocat de la défense et le procureur de la Couronne. Autrement dit, en tentant d'alléger la situation dans les centres de détention provisoire, on engorgera les tribunaux de libération sous caution.

Tous les membres du comité présents à l'audience ont interrogé M. Chaffe parce qu'il était extrêmement important d'entendre son témoignage avant d'appuyer le projet de loi. Nous avons estimé qu'il fallait communiquer la teneur de son témoignage à l'ensemble des sénateurs avant qu'ils ne se prononcent sur cette mesure législative.

Je ne doute pas que la tentative du gouvernement de limiter la discrétion des juges soit un objectif légitime.

Cependant, lorsque l'encadrement de la discrétion des juges entraîne des conséquences imprévues au sein du système, soit en encombrant les tribunaux des cautionnements, soit en créant des conditions plus dangereuses dans les prisons, et a pour effet d'en faire porter le poids par les plus vulnérables, le résultat risque de ne pas être celui qui était envisagé au départ. Un engagement approprié en matière de ressources financières et humaines, ainsi qu'une capacité de surveillance adéquate, rendront cette initiative valable, humaine et axée sur l'objectif qui consiste, comme l'a mentionné le sénateur Wallace, à accroître la sûreté et la sécurité au Canada.

Honorables sénateurs, c'est peut-être là un ton différent de tout ce que vous avez entendu dans le brouhaha dans lequel a baigné le débat sur ce projet de loi. Cependant, je crois qu'il s'agissait là de considérations sérieuses qui, à mon avis, valaient la peine de vous être présentées avant que vous ne votiez sur ce projet de loi plus tard aujourd'hui ou cette semaine.

(1500)

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, si le sénateur Watt participe au débat, je veux poser des questions.

Merci, sénateur Joyal, pour cet exposé. Ce sujet n'a rien de nouveau pour le Sénat ou pour le comité.

En 1994, le ministre de la Justice, Allan Rock — je vois un sénateur qui opine du bonnet —, qui venait de Toronto, a soulevé la question pour la première fois à cause de l'engorgement du système judiciaire relativement à la mise en liberté sous caution, à la détention préventive et aux prisons. La justification de cette décision prise par le ministre de la Justice était que le système judiciaire était débordé et que les prisons à Toronto étaient surpeuplées. Les choses allaient de mal en pis. Les deux côtés avaient convenu à ce moment- là que ce projet de loi avait besoin d'être modifié.

Cela dit, je crois comprendre que le système judiciaire en Ontario — la province que je représente — est pire aujourd'hui qu'il ne l'était à ce moment-là. Je regarde d'autres sénateurs de l'Ontario. Ils devraient examiner cette question avant de se prononcer sur ce projet de loi. Je crois qu'ils en viendront à la même conclusion. Le système judiciaire en Ontario est pire aujourd'hui pour ce qui est de l'engorgement des tribunaux, la détention provisoire et la mise en liberté sous condition. Les prisons sont également plus surpeuplées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a 14 ans.

A-t-on présenté au comité de l'information montrant que les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales disposent des budgets nécessaires pour augmenter le nombre de places dans les prisons afin de répondre aux nouveaux besoins que créera cette mesure législative si elle est adoptée?

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, je vais citer les propos de Ken Crawford, représentant du personnel des services correctionnels, tels qu'ils ont été rapportés dans le Winnipeg Free Press le 6 de ce mois :

Toutes les prisons provinciales dans cette province sont actuellement surpeuplées [...] Nos établissements ont atteint la limite.

Le sénateur parlait de l'Ontario; cet article vient du Manitoba. Il portait sur une mutinerie au centre correctionnel de Brandon. On pouvait ensuite lire ceci :

Ils aimeraient avoir des maisons mobiles pour abriter au moins 200 personnes afin de réduire le surpeuplement. Les maisons mobiles peuvent accueillir de 20 à 60 personnes, selon le syndicat.

L'article cite ensuite Peter Olfert, président du Manitoba Government and General Employees Union :

[La province] cherche à agir le plus rapidement possible pour fournir des unités mobiles.

Autrement dit, ce problème n'est pas propre à l'Ontario. La situation est la même au Manitoba, d'après ce que je lis. Et je dirais que c'est la même chose au Québec aussi.

Si je me souviens bien, à la une de La Presse, en juin, un article décrivait les conditions de détention dans les établissements provinciaux. Certaines provinces ont beau avoir annoncé des initiatives budgétaires, la construction ne suivra pas le rythme auquel augmentera la population carcérale si l'on adopte le régime des peines minimales ou si le nombre de personnes en détention préventive augmente. L'augmentation est attribuable non au fait que les détenus souhaitent rester en prison, mais au fait que les causes sont plus complexes. C'est ce que des témoins sont venus nous dire. Les causes sont plus complexes, les audiences sont plus longues, et le personnel judiciaire n'est pas toujours disponible. L'appareil judiciaire est généralement engorgé et il a besoin d'un apport massif de fonds.

Il faut tenir compte de cette réalité à l'égard de chacun des projets de loi sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer. On ne cesse de surcharger un système qui craque déjà de toutes parts. À un moment donné, il faut bien comprendre que nos décisions peuvent avoir un effet préjudiciable non voulu en soumettant l'ensemble du système à des pressions additionnelles.

Le sénateur Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai une autre question à poser, à propos de Toronto et de l'Ontario, ma province. Je crois savoir que la population autochtone urbaine à Toronto est, en chiffres absolus, la plus nombreuse au pays. Regina, Winnipeg et d'autres villes de l'Ouest connaissent des problèmes, mais nulle part le problème n'est plus aigu, du point de vue quantitatif, qu'à Toronto.

Les sénateurs de la région de Toronto connaissent bien les statistiques concernant les sans-abri. Au moins les deux tiers des sans-abri vivant à Toronto sont des Autochtones. De plus, les deux tiers, voire plus, des Autochtones sans abri vivent dans la rue à cause de troubles émotionnels ou psychiatriques. Ces renseignements sont corroborés dans un rapport.

Nous avons donc un problème plus aigu à Toronto. Je suppose que le comité aura lui aussi cerné ce problème. S'agissant de la question de la libération sous caution, de la détention préventive et de l'incarcération, rappelons que Toronto est probablement la ville canadienne affichant le plus fort pourcentage d'Autochtones condamnés sans aucune forme de remédiation.

Ce point a-t-il été soulevé lors de l'étude en comité? Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

Le sénateur Joyal : Nous n'avons entendu aucun témoignage en provenance de la communauté autochtone. Je tiens à le préciser. Aucun représentant de l'Assemblée des Premières Nations ni d'autres groupes nationaux représentant les peoples autochtones ou de groupes provinciaux comme les Cris ou les Innus du Québec n'est venu témoigner.

Cette question s'est présentée comme une question secondaire. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous allons faire s'accroître les pressions qui s'exercent sur le système. Notre collègue, le sénateur Watt, qui compte prendre la parole à ce sujet cet après- midi, fait partie du comité. Il aborde la question régulièrement avec les témoins. Il va falloir finir par se pencher sur ce problème. On ne peut pas feindre d'ignorer le problème d'envergure qu'est la population carcérale au Canada.

À ce stade, nous ne pouvions pas étudier autre chose que l'objet du projet de loi et l'ordre de renvoi que nous avions reçu du Sénat, qui nous demandait d'étudier la portée de la mesure législative.

Le sénateur Grafstein : Finalement, et j'espère que les nouveaux sénateurs pourront trouver une solution à ce problème, nous avons vu par le passé des projets de loi portant sur le système de justice pénale et d'autres domaines qui ne tenaient pas compte de la réalité économique. Je soupçonne et je présume que c'est le cas de ce projet de loi.

Est-ce que tous les membres du comité ont envisagé la possibilité de proposer un amendement qui permettrait de retarder l'entrée en vigueur du projet de loi, s'il est adopté, jusqu'à ce que Sa Majesté la reine et son cabinet soient convaincus que le système judiciaire et le système carcéral pourront répondre adéquatement à l'augmentation du nombre de prisonniers?

Le sénateur Joyal : La réponse est non, honorables sénateurs.

J'ai mentionné plus tôt que le commissaire du Service correctionnel du Canada, Don Head, avait comparu devant le comité. C'est le grand patron du système carcéral au Canada. Nous lui avons demandé combien de fonds dans le budget seront consacrés à la construction et combien seront consacrés aux programmes de réadaptation, à la formation et au personnel, entre autres. Nous n'avons pas pu obtenir de chiffres précis. En effet, M. Head nous a dit que ces données étaient confidentielles. Pour répondre à votre question, ces chiffres existent, mais nous n'y avons pas accès.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : J'ai entendu ce qu'a dit le sénateur Joyal à propos de ce projet de loi et d'autres projets de loi. Je crois que les questions qu'il a soulevées méritent constamment qu'on en discute. Elles étaient pertinentes il y a 30 ans, lorsque j'œuvrais au sein du système de justice, et elles le sont encore aujourd'hui.

Il s'agit de savoir si le traitement sert bien la société et le détenu. Le problème des Autochtones n'est pas nouveau. Nous sommes aux prises avec ce problème depuis des décennies, en particulier en Saskatchewan. La situation ne s'est peut-être pas améliorée, mais je vois des signes encourageants dans la population autochtone, qui s'efforce de résoudre ses problèmes en collaboration avec la société en général.

Je regrette que le sénateur ait abordé le vaste sujet de l'incarcération et de la réadaptation ainsi que de la nécessité de protéger la société. Ce projet de loi porte uniquement sur un problème précis. Il ne s'agit pas de déterminer pourquoi ni comment nous incarcérons les gens. D'autres projets de loi portent sur ce sujet, et de nouveaux projets de loi seront présentés encore là-dessus.

(1510)

Les juges ont besoin de solides raisons pour priver des Canadiens de leur liberté. Lors des enquêtes sur le cautionnement, il faut pouvoir faire des démonstrations bien précises. Lorsqu'une personne est maintenue en détention préventive, elle est privée de l'un de ses droits les plus fondamentaux, soit la liberté d'aller et de venir au sein de la société. Les juges ne prennent pas ce droit à la légère. Il y a lieu de s'interroger sur les motifs et les moyens de détention préventive. Par exemple, on détenait auparavant les prévenus ne pouvant pas verser une caution, ce qui était injuste pour les Autochtones puisqu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires. Donc, nous avons établi d'autres critères de remise en liberté.

Quoi qu'il en soit, le projet de loi C-25 ne porte pas là-dessus. Il prévoit simplement que l'on tienne compte, dans l'administration de la peine, du temps de détention en attendant le procès. Il ne porte pas sur le cas de ceux qui ont été détenus trop longtemps, donc acquittés. C'est un problème de justice complètement différent, dont nous devrions peut-être nous occuper un jour. Le projet de loi dit que chaque journée pendant laquelle une personne est privée de sa liberté est bel et bien une journée. Pourquoi devrions-nous laisser les juges déterminer qui se verra accorder deux journées pour une ou une journée et demie pour une? Pourquoi ne pas affirmer qu'une heure sera toujours une heure?

Il est essentiel que, dans le système de justice, une heure de privation équivaille à une heure. Cela devrait-il faire une différence? Un juge devrait-il pouvoir décider qu'une personne mérite de recevoir un crédit d'un jour et un quart, un jour et demi ou deux jours? Toutes les heures passées en prison ne devraient-elles pas avoir la même valeur? C'est là l'essence du projet de loi, mais cela n'enlève rien aux autres questions soulevées. Il faudrait débattre de celles-ci à un autre moment parce qu'elles ne sont pas l'objet du projet de loi C-25.

Peut-être les longues périodes passées sous garde devraient elles faire l'objet d'une contestation en vertu de la Charte ou être examinées de près par un tribunal compétent plutôt que d'être calculées selon une formule mathématique?

Le sénateur Joyal : La participation du sénateur Andreychuk au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles nous manque. Le sénateur Andreychuk et moi assistons fidèlement aux audiences du comité. Nous apprécions beaucoup son expérience et portons grande attention à ses propos.

À mon humble avis, il y a bel et bien une différence. Un jour passé en détention présentencielle n'équivaut pas à un jour en détention postsentencielle. Dans les deux cas, le détenu est privé de sa liberté de mouvement, mais une personne purgeant une peine de prison a accès à des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale qui ne sont pas offerts aux personnes en détention présentencielle. De plus, une personne purgeant une peine de prison est en mesure de compter les jours qu'il lui reste à purger avant d'être admissible à la mise en liberté anticipée, sous certaines conditions, notamment. Un jour en prison n'équivaut pas à un jour en détention présentencielle. Julian Roberts, professeur au centre de criminologie de l'Université d'Oxford, a dit au comité qu'un dollar équivaut à un dollar, et qu'un jour en détention équivaut à un jour en prison. Il a également ajouté que si un jour en détention vaut 80 cents, un jour en prison vaut un dollar. C'est pourquoi le projet de loi laisse au juge le pouvoir de décider, dans certaines situations, qu'une peine purgée est plus rude qu'une autre à cause de l'accès, ou du manque d'accès, aux programmes de réinsertion sociale et de réadaptation. On ne peut comparer en termes absolus un jour passé en détention présentencielle et un jour passé en prison. Voilà la différence. La Cour suprême et les cours d'appel ont déjà établi cette différence et le projet de loi maintient le principe tout en laissant un certain pouvoir discrétionnaire aux juges.

Comme les sénateurs le savent, l'article 3 donne ce pouvoir discrétionnaire aux juges et restreint le temps alloué à un maximum d'un jour et demi pour chaque jour passé sous garde dans des circonstances spéciales. Peut-être que, comme l'a dit la Cour suprême, dans certaines circonstances le maximum d'un jour pour chaque jour passé sous garde est égal et équitable, parce que les deux établissements offrent l'accès aux mêmes programmes et services. C'est la Cour suprême qui l'a dit. Un jour pour chaque jour passé sous garde est une option, mais il faut conserver le principe que c'est le juge qui a le pouvoir discrétionnaire de rééquilibrer la liberté perdue.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Joyal est écoulé. L'honorable sénateur demande-t-il une prolongation?

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, je peux répondre à une autre question.

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, j'appuie l'idée du pouvoir discrétionnaire, car c'est la soupape qui facilite le bon fonctionnement du système. Je me souviens toutefois d'un système qui assurait la réhabilitation dans des centres de détention provisoire. Plus vite nous appellerons les choses par leur véritable nom, plus vite nous pourrons régler les questions entourant la détention appropriée des gens et les attentes avant le procès et après le procès, ce qui était le but premier du système. Le sénateur Joyal est-il d'accord?

Le sénateur Joyal : C'était l'objectif initial du système. Au fil des ans, les conditions ont considérablement changé, si bien qu'il n'y a plus d'équilibre entre les deux. L'un n'équivaut pas à l'autre. C'est pourquoi le pouvoir discrétionnaire des juges a été ajouté au Code criminel et qu'il est maintenu dans le projet de loi C-25. Il est laissé à la discrétion du juge d'évaluer les conditions particulières de la détention préventive pour que les contrevenants puissent être traités avec équité. Le manque d'équité entraînera des contestations sur le plan constitutionnel, en vertu des articles 1 et 7 de la Charte. C'est ce qu'ont répété tous ceux qui sont venus témoigner sur le projet de loi C-25 devant le comité.

Madame le sénateur soulève un point important. Au début, on était censé accorder une journée de crédit pour chaque journée passée en détention préventive, mais ce n'est plus le cas. Le système doit être équilibré. Un des objectifs du projet de loi C-25 est de maintenir le pouvoir discrétionnaire, mais de le limiter. Tous les sénateurs de ce côté-ci approuvent cette proposition. Toutefois, nous voulons conserver la capacité de mettre en place un principe d'équilibre, sans quoi il pourrait y avoir des contestations en vertu de la Charte.

L'honorable Charlie Watt :

[Le sénateur s'exprime dans sa langue maternelle, l'inuktitut.]

Honorables sénateurs, avant de m'exprimer sur le projet de loi C- 25, je tiens à m'excuser auprès de la collectivité inuite. Je ne peux pas m'exprimer en inuktitut aujourd'hui, car le Sénat doit en être informé à l'avance afin de pouvoir fournir un service d'interprétation.

Je parle aujourd'hui du dossier du peuple inuit et du système judiciaire canadien. En tant qu'un des deux parlementaires inuits, la responsabilité que j'ai envers mon peuple dans cette enceinte est lourde. Cette responsabilité doit être ma grande priorité lorsque j'examine un projet de loi. C'est ce qu'on attend de moi.

(1520)

Je parle aujourd'hui aux honorables sénateurs du projet de loi C- 25. Je tiens à dire sans la moindre équivoque que je ne suis pas opposé à ce que les criminels soient punis pour leurs crimes. Par contre, il faut un équilibre entre les peines d'emprisonnement et la réadaptation. J'insiste sur ce point : il faut un équilibre entre les peines d'emprisonnement et la réadaptation.

Les Inuits ne reçoivent pas de traitements en clinique. Les contrevenants des Premières nations et des collectivités inuites et métisses finissent par retourner dans leurs collectivité après avoir purgé des peines plus longues que les autres, et ils récidivent parce qu'ils ne reçoivent pas les traitements dont ils ont besoin.

Le taux d'incarcération est neuf fois plus élevé chez les Autochtones que quez les non-Autochtones. Cette donnée est vérifiée par la Commission canadienne des droits de la personne, selon laquelle il s'agit de la question liée aux droits de la personne la plus préoccupante au Canada.

Il est essentiel que le gouvernement procède à un examen approfondi du système actuel en ce qui concerne les contrevenants des Premières nations et des communautés inuites et métisses. Nous devons veiller à ce qu'ils aient accès à des évaluations en clinique, à des programmes de réadaptation adaptés à leur culture et à des peines équitables.

Le projet de loi C-25 modifie le Code criminel pour limiter le temps retranché à la durée d'une peine d'emprisonnement en raison du temps passé en détention présentencielle, qu'on appelle souvent crédit pour période de détention provisoire. Ce crédit sert à indemniser les accusés pour la longue période d'attente avant leur procès et pour les mauvaises conditions dans les centres de détention provisoire.

J'entends souvent parler des conditions de détention présentencielle particulièrement pénibles pour les Inuits. En plus de la forte densité de détenus et du manque d'installations adéquates, ils sont coupés de leur collectivité et doivent s'adapter au fossé linguistique et culturel.

Les Inuits, les membres des Premières nations et les Métis sont plus faciles à attraper, à poursuivre et à incarcérer. Ils sont moins en mesure de se défendre en raison, notamment, de problèmes d'analphabétisme, ce qui les rend plus vulnérables dans notre système de justice pénale. Ils sont également plus susceptibles de plaider coupables, même s'ils sont innocents.

Honorables sénateurs, je vais vous lire des passages des témoignages les plus intéressants présentés au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet de la situation des Inuits, des membres des Premières nations et des Métis dans le système de justice. Le comité a entendu ce qui suit de la part de Howard Sapers, du Bureau de L'enquêteur correctionnel :

Ce projet de loi aura des répercussions particulières sur les Autochtones, et ces répercussions doivent être soigneusement examinées et atténuées.

Son collègue, Ivan Zinger, a déclaré :

Pour ce qui est des programmes, nous constatons que, dans les pénitenciers, le Service correctionnel du Canada offre de très bons programmes aux Autochtones. Malheureusement, bon nombre de ces programmes sont donnés dans des établissements pénitentiaires ouverts, alors que beaucoup d'Autochtones sont plutôt admis dans des établissements à sécurité maximale où, en général, les programmes sont très limités [...]. Je signale en passant que ces programmes sont exigés par la loi.

De Craig Jones, de la Société John Howard du Canada, nous avons entendu :

[...] le projet de loi C-25 ne fera rien pour améliorer « l'adéquation de la peine et du crime ». Au lieu de cela, il ne fera que contribuer à prolonger les délais, à exacerber les injustices qui se commettent déjà, en plus de saper encore plus le pouvoir discrétionnaire de l'appareil judiciaire [...].

À propos des Autochtones, il a dit :

Ils sont plus faciles à poursuivre en justice, à capturer et à incarcérer. En général, ils sont moins capables de se défendre eux-mêmes, et de nombreux problèmes d'alphabétisation et divers autres types de problèmes les rendent plus vulnérables au système de justice criminelle.

Dans une lettre adressée au comité le 6 octobre 2009, Mme Deborah Hatch, présidente de la Criminal Trial Lawyers' Association of Alberta, a dit :

[...] ceux qui sont emprisonnés avant la tenue du procès étaient plus susceptibles de plaider coupables, moins susceptibles de voir leurs accusations retirées et plus susceptibles d'écoper d'une peine plus sévère que ceux qui n'étaient pas emprisonnés, indépendamment de certains facteurs, comme le type d'infraction et le casier judiciaire.

Honorables sénateurs, compte tenu des témoignages, je dois proposer un amendement au projet de loi C-25. Cet amendement aura pour effet de soustraire les Premières nations, les Inuits et les Métis à l'application de ces nouvelles dispositions législatives. Ils continueront d'être assujettis au système actuel, où le juge peut, à sa discrétion, accorder un crédit pour du temps d'emprisonnement. Ce pouvoir discrétionnaire est important étant donné que la situation est plus difficile pour les Inuits, en particulier, que pour la plupart. Il y a des problèmes de langue et des barrières culturelles qui n'existent pas pour les autres personnes sous garde.

L'amendement que je propose n'améliore pas les circonstances ni ne corrige la durée de la détention provisoire, mais il encourage le gouvernement à faire l'examen diligent qui s'impose et à étudier les répercussions de la mesure sur les Autochtones, qui seront touchés par cette mesure de façon disproportionnée.

Après avoir mené les études et consultations appropriées, le gouvernement sera en mesure de présenter de façon responsable un projet de loi visant à améliorer la situation pour les collectivités et les délinquants autochtones dans le système de justice pénale.

Motion d'amendement

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, dans l'amendement, je propose :

Que le projet de loi C-25 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 3 :

a) à la page 1, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« (3.1) Malgré le paragraphe (3) :

a) si les circons- »;

b) à la page 2 par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :

« paragraphes 524(4) ou (8);

b) si le délinquant est une personne autochtone, les maximums prévus au paragraphe (3) et à l'alinéa a) ne s'appliquent pas. ».

Honorables sénateurs, les autres sénateurs ont indiqué qu'il était également possible, sinon certain à en croire le sénateur Joyal, qu'il y ait des problèmes en raison de la Charte. Je pense également que ce projet de loi violerait nos droits constitutions, tels que définis à l'article 35.

Cette question n'est pas facile à régler. Je crois qu'elle doit être analysée, examinée et ses répercussions, atténuées.

(1530)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter cette motion d'amendement?

Le sénateur Murray a la parole sur la motion d'amendement.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, ayant voté contre les amendements hier après-midi, il va sans dire que je voterais aujourd'hui en faveur d'un projet de loi non amendé, ce qui implique nécessairement que je voterais contre l'amendement dont vous venez d'être saisis par le sénateur Watt.

J'ai écouté avec grand respect, comme toujours, nos collègues, les sénateurs Joyal et Watt. En ce qui concerne les conséquences du point de vue de la Charte, je ne suis pas en mesure d'émettre une opinion de spécialiste en la matière, mais il me semble que, si le projet de loi présente de graves lacunes de ce point de vue, les amendements que nous avons rejetés hier et celui qui est proposé aujourd'hui n'ont guère de chance de mettre le projet de loi à l'abri des contestations fondées sur la Charte.

En outre, je dois signaler, toujours comme profane, que les citations que le sénateur Joyal a présentées aujourd'hui correspondent à des tentatives faites par les juges pour, en l'absence de formule, définir certains principes. Une fois que le Parlement aura établi une formule, pour peu qu'il le fasse, le contexte sera quelque peu différent, et il faudra voir ce qui se passe. Je le dis même si on admet, comme le sénateur l'a signalé implicitement, que certains des jugements et principes présentés pas les différents juges et tribunaux semblent contraires à ce que le projet de loi propose.

Honorables sénateurs, si j'appuie le projet de loi non amendé, ce n'est pas parce que je suis un fervent partisan de l'approche générale du gouvernement actuel en matière de justice et de régime correctionnel — loin de là. Néanmoins, j'ai lu attentivement les débats à la Chambre des communes et j'ai suivi les débats au Sénat ainsi que les délibérations du comité, dans la mesure où j'ai pu le faire. Je suis extrêmement impressionné... Je suis même convaincu par les arguments non seulement du ministre de la Justice, mais aussi des porte-parole des trois partis d'opposition. Leur position, qu'ils ont exposée dans des termes presque identiques, est que l'absence de formule dans le code et les conséquences pour l'exercice de la discrétion judiciaire sont une chose que le simple citoyen n'arrive pas à comprendre. Cela a suscité de vives préoccupations que ressentent les membres élus de la Chambre des communes. Ils croient que l'absence de formule dans le code et l'exercice de la discrétion judiciaire en cette matière nuit à la confiance du public envers le système. Pour être honnête, je crois qu'il faut prendre très au sérieux les arguments de cette nature présentés par nos frères élus.

Pardonnez-moi, mais je vais vous infliger une préoccupation qui me hante depuis longtemps. Je me dis qu'il est très imprudent, contre-productif et stérile que les hommes et femmes politiques agissent malgré l'absence d'un certain consensus dans l'opinion publique et adoptent comme position que la nécessité de diverses réformes libérales et progressistes est à ce point évidente et que le poids des opinions des spécialistes et des juristes est tel qu'il faut filer droit devant, quitte à ce que l'opinion publique fasse du rattrapage. C'est le genre d'attitude qui provoque un ressac, et cela est déjà arrivé par le passé. Il me semble que c'est pour empêcher cette réaction de prendre trop de vigueur que le gouvernement, et certainement les trois partis d'opposition à la Chambre des communes, appuient le projet de loi.

Je ne suis pas un expert en la matière, et je n'ai ni formation ni expérience dans le domaine juridique, mais le premier emploi que j'ai occupé à Ottawa, il y 48 ans cet automne, a été celui, me croirez- vous, d'adjoint du ministre de la Justice sous le gouvernement Diefenbaker. Pendant cette période, la Commission nationale des libérations conditionnelles a vu le jour et la Loi sur les pénitenciers a été révisée. Les jeunes délinquants ont été mis à part, dans des établissements créés exprès pour eux, afin qu'ils reçoivent une attention particulière.

Le sénateur Mercer : C'était un gouvernement progressiste- conservateur.

Le sénateur Murray : Effectivement, et M. Diefenbaker était un avocat de la défense renommé. Il défendait ces réformes avec éloquence. M. Fulton était un brillant avocat et il a pu les présenter en les appuyant sur des principes. L'essentiel, c'est qu'ils ont fait un effort pour mobiliser l'opinion publique et parlementaire, et il n'y a eu aucune réaction contre les réformes.

À cette époque, à titre de jeune adjoint, je me suis rendu dans la totalité ou presque des établissements carcéraux fédéraux. Au cours de ces visites, surtout dans la région d'où je viens, j'ai rencontré des personnes que je connaissais, avec qui j'avais grandi au Cap-Breton. Ce genre d'expérience laisse toujours la profonde impression que, pour un peu, on pourrait être à leur place.

Cette expérience a guidé mon approche de ces questions. Lorsque je regarde ces gens, je pense à des choses comme la peine capitale. Il a fallu des années pour l'abolir au Canada. Le premier ministre Diefenbaker a amorcé le mouvement, lorsqu'il a pris le pouvoir, en demandant au solliciteur général de l'époque, l'honorable W. J. Brown, de Terre-Neuve, de recommander de commuer le plus souvent possible les peines de mort imposées par les tribunaux. Il a ensuite proposé un projet de loi pour restreindre l'application de la peine capitale en définissant le meurtre qualifié et le meurtre non qualifié. Puis, le gouvernement Pearson est arrivé, et il a restreint encore plus l'application de la peine capitale. Enfin, le gouvernement Trudeau a aboli ce châtiment. Dans les années 1980 encore, M. Mulroney a jugé qu'il s'agissait d'une question politique suffisamment importante pour faire l'objet d'un vote libre à la Chambre des communes, et ce vote a eu lieu. Il a lui-même pris part au débat. Selon moi, les chefs ne doivent pas le faire lorsqu'il s'agit d'un vote libre, mais il l'a fait tout de même, tellement la tournure du débat lui inspirait des craintes. La Chambre des communes s'est prononcée contre la résolution sur la peine capitale. J'ignore comment le groupe parlementaire progressiste-conservateur s'est partagé entre les pour et les contre, mais je me rappelle que M. Mulroney a voté d'une certaine façon et que son voisin de pupitre, le vice-premier ministre, a voté dans le sens inverse.

Un grand nombre de ces questions de droit pénal et de réforme correctionnelle sont terriblement chargées et peuvent semer les dissensions à l'intérieur d'un parti politique, elles prêtent à controverse et sont litigieuses. Il faut donc avancer avec prudence, selon moi.

Je me souviens fort bien des réformes du droit pénal entreprises à la fin des années 1960 et au début des années 1970, dans les derniers jours du gouvernement Pearson, où M. Trudeau était ministre de la Justice, et poursuivies par le gouvernement Trudeau, dont le ministre de la Justice était M. Turner. Ces réformes portaient sur des questions comme l'avortement, les relations sexuelles entre adultes consentants puis, un peu plus tard, dans les années 1970, le contrôle des armes à feu.

Le sénateur Cools : La peine capitale.

Le sénateur Murray : La peine capitale, comme ma collègue le signale. L'une des raisons pour lesquelles on a été tellement prudent dans le dossier de la peine capitale, c'est que, pendant une bonne partie de cette période, de 60 à 70 p. 100 des Canadiens voulaient conserver la peine capitale. Il fallait donc que les hommes et les femmes politiques élus fassent preuve de toute la prudence voulue.

(1540)

Je me souviens de l'adoption de ces réformes du Code criminel sous le gouvernement Trudeau. Chaque modification du code — il y en avait des centaines, je crois — était étudiée en comité plénier à la Chambre des communes. Elle faisait l'objet d'un examen minutieux au cours duquel chaque détail était passé à la loupe. Il y avait des compromis. Le gouvernement cédait sur certains points jusqu'à ce qu'ultimement, un consensus se forme. Nous avions alors un projet de loi.

J'en viens maintenant au contrôle des armes à feu. Le Parlement avait adopté des lois à ce sujet bien avant qu'Allan Rock ne le redécouvre en 1993.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Murray : Ces réformes ont subi l'épreuve du temps. Une fois que le Parlement s'était prononcé, on n'entendait pas M. Trudeau et M. Turner, du côté gouvernemental, ou M. Stanfield, M. Douglas et M. Lewis, du côté de l'opposition, se taper sur l'épaule et se féliciter l'un l'autre pour le bon travail accompli. Ce qu'ils disaient — je vais bien sûr paraphraser —, c'est : « Nous savons que nous ne sommes pas allés assez loin pour certains Canadiens. Nous savons que nous sommes allés trop loin pour certains autres. Toutefois, nous avons fait de notre mieux dans une situation difficile. »

Quand on discute de questions de ce genre, je crois qu'une bonne dose d'humilité est très utile. Ces réformes ont subi l'épreuve du temps. Les générations de politiciens qui ont suivi ont été moins prudentes, plus exclusives et plus dogmatiques, traitant l'opinion des autres comme si elle était inadmissible, sinon illégitime. C'est ainsi que les opinions se sont polarisées. Si je peux m'exprimer ainsi, je dirais que cela a provoqué, à gauche, une réaction égale et opposée à l'action prise à droite. Nous en sommes arrivés au stade où un groupe de politiciens pointe du doigt un autre groupe en disant : « Ils sont conciliants avec les criminels », tandis que l'autre groupe affirme : « Ces types ne sont que des bourreaux. »

C'est de la folie. Si vous entendez des gens dire ces choses au Parlement, si vous entendez des politiciens canadiens se lancer à la tête de telles accusations, vous saurez que vous avez affaire à des fous. Il n'y a pas d'autres façons de le dire. C'est tout simplement dément.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Murray : Je reviens au seul argument que je veux vraiment présenter. Je suis habituellement très méfiant lorsque la Chambre des communes adopte des mesures à l'unanimité. Quand elle le fait, nous devons marquer une pause, surtout si les mesures ont trait à la loi électorale ou à la redistribution, car c'est alors qu'on peut entendre partout des gens qui prêchent dans leur propre intérêt et d'autres qui se tapent dans le dos.

Le ministre, puis M. LeBlanc pour les libéraux, M. Ménard pour le Bloc et M. Comartin — qui a parlé des questions liées à la charte au nom du NPD — ont tous dit que l'opinion publique en était à un point tel que nous avions l'obligation de remédier aux méprises, aux malentendus et aux sérieuses réserves que les gens avaient.

Si ce projet de loi est adopté sans amendement, le Parlement aura reconnu qu'un problème existe et que nous avons pris des mesures correctives raisonnables. Nous avons peut-être contribué à freiner les réactions avant qu'elles ne deviennent assez brutales pour emporter à la fois le bon et le mauvais.

Quant aux conditions dans nos prisons et, bien sûr, la présence dans nos prisons de nombres aussi ridiculement disproportionnés d'Autochtones, je dois dire qu'à mon avis, aucune petite modification de ce projet de loi ou d'une autre mesure législative n'aura une influence sensible. Il faudra s'attaquer à ces situations d'une façon beaucoup plus directe. Et cela se fera à mon humble avis — que personne ne m'a demandé, mais que je vous donne de toute façon —, quand nous trouverons un moyen d'apporter un changement radical en plaçant la justice réparatrice au centre de notre système de justice pénale. Cela ne sera probablement fait ni par le présent gouvernement ni par aucun autre gouvernement dans un proche avenir. Je crois cependant que c'est la voie dans laquelle nous devons nous engager, même s'il faut faire un énorme travail de préparation pour persuader l'opinion publique.

Le sénateur Segal : Bravo!

L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Murray accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Murray : Oui.

Le sénateur Fraser : Je respecte et partage le point de vue du sénateur quand il dit que nous devons agir en accordant un respect raisonnable à l'opinion d'autrui. Je ne peux certainement pas prétendre avoir sa connaissance du système de libération conditionnelle.

Le sénateur veut-il commenter certains des commentaires présentés au comité, que j'ai trouvés extrêmement intéressants et même saisissants? On nous a dit par exemple qu'à cause de la façon dont le système canadien de libération conditionnelle est structuré, il est presque certain que n'importe quelle formule mathématique rigide créera des injustices à l'égard de condamnés qui ont commis des infractions identiques dans des circonstances identiques, mais dont l'un a obtenu une libération sous caution tandis que l'autre restait sous garde, peut-être parce qu'il n'avait pas réussi à recueillir l'argent nécessaire.

Deux professeurs d'université, MM. Doob et Webster, nous ont présenté des exposés très précis et nous ont transmis par la suite, à notre demande, des renseignements supplémentaires. Leurs témoignages établissaient qu'au Canada, le système de libération conditionnelle ne tient pas compte du temps passé sous garde avant le prononcé de la sentence. Il ne considère que la durée de la peine infligée, de sorte qu'avec n'importe quelle formule rigide, selon les circonstances, la période passée sous garde et le temps alloué, les résultats ne seront pas les mêmes pour tous.

Les autres pays dont nous avons entendu parler qui ont un système fondé sur un jour par jour passé sous garde ont aussi un système différent de libération conditionnelle...

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Comme les 15 minutes du sénateur Murray sont écoulées, il demande cinq minutes supplémentaires.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Est-ce là un cas où, malgré notre respect raisonnable pour l'opinion des Canadiens intéressés, nous devons prévoir une certaine marge de manœuvre parce que nous avons le devoir, au Sénat, de nous dire que les Canadiens ne saisissent pas toujours tous les petits détails, ou bien conviendrait-il de penser que même si nous laissons passer une injustice dans la loi, nous n'avons rien à nous reprocher parce que c'est ce que les gens veulent?

Le sénateur Murray : Je suis heureux d'avoir l'occasion de répondre. En ce qui concerne la dernière observation de mon amie, je rejette d'emblée l'argument avancé par un porte-parole du gouvernement selon lequel le Sénat n'a pas le droit de modifier le

projet de loi et devrait se limiter, à titre de chambre de révision, à corriger les fautes de rédaction et les erreurs techniques. Si mes amis sont d'avis que le projet de loi doit être modifié, eh bien, qu'ils le modifient et le renvoient à la Chambre des communes, qui devra l'étudier et décider de ce qu'il convient d'en faire.

Pour ce qui est du système de libération conditionnelle, j'ai simplement deux observations. Je vais maintenant reprendre quelques propos de M. Comartin, le porte-parole du NPD à la Chambre des communes. Premièrement, l'absence d'une formule est un vrai problème. Deuxièmement, il a dit — et je paraphrase encore — que le projet de loi est moins rigide qu'il n'y paraît a priori. Il maintient certains des pouvoirs discrétionnaires des juges qui sont cependant tenus, si j'ai bien compris, d'expliquer les raisons pour lesquelles ils ont décidé d'user de leur discrétion.

Voilà un autre sujet de plainte. Comme il ne me reste que deux ans à passer au Sénat, je voudrais parler de certaines choses qui me sont restées sur le cœur.

Le sénateur Cools : Très bien. Faites donc.

(1550)

Le sénateur Murray : Il n'est pas juste de parler d'instinct bureaucratique, mais on pourrait peut-être parler d'instinct politique, c'est-à-dire de tentatives d'agir de façon indirecte et de court-circuiter les règles. Cela me rappelle les projets de loi que le gouvernement Chrétien a présentés il y a quelques années et contre lesquels le sénateur Bolduc et moi avons mené la charge.

Ils déplaçaient des milliers d'employés de Revenu Canada et du réseau des parcs pour les éloigner davantage de toute influence ministérielle et parlementaire. Lorsque nous nous sommes penchés sur le dossier, nous avons découvert que la raison pour laquelle ils faisaient une telle chose, c'est qu'ils estimaient que certaines lois du travail étaient trop difficiles à respecter. Le sénateur Bolduc et moi avons alors souligné que s'il y avait des choses qui ne fonctionnaient pas dans les mesures législatives sur le travail, ils devraient alors modifier ces lois plutôt que de soustraire de la direction ministérielle des postes importants de la fonction publique.

J'en pense tout autant dans ce dossier. S'il y a un problème semblable dans le système de libération conditionnelle, il faut modifier le système. Il faut accorder des responsabilités plus grandes ou différentes aux dirigeants.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande la permission de suspendre, pour aujourd'hui seulement, l'ordre du Sénat en vertu duquel nous devons ajourner à 16 heures, afin de faire une journée de séance normale, comme nous le faisons les mardis et jeudis, de poursuivre nos travaux comme lors d'une journée de séance normale et d'autoriser les comités qui doivent siéger à 14 heures à le faire.

J'ai consulté nos vis-à-vis à ce sujet et je suis persuadé qu'ils seraient d'accord. J'ai également consulté les sénateurs indépendants.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Je demande la permission de poser une question au sénateur Murray.

Le sénateur Comeau : Son temps de parole est écoulé. Il n'a obtenu qu'une prolongation de cinq minutes.

Le sénateur Grafstein : Le temps est-il écoulé?

Son Honneur le Président : Vous avez encore deux minutes. Allez- y.

Le sénateur Grafstein : J'aimerais poser une question au sénateur Murray. J'ai écouté ses propos avec grand intérêt. Il se vide le cœur. Je le ferai à mon tour au cours de la prochaine semaine ou quinzaine.

Je n'ai pas bien compris l'argument du sénateur. Il a dit que si l'opinion publique allait à l'encontre d'un certain aspect du droit pénal et que cette question avait été approuvée à l'unanimité par les membres de l'autre endroit, le Sénat ne devait pas faire prévaloir son opinion. C'est ce qu'il a avancé.

Permettez-moi de donner quelques exemples de fois où le sénateur a plutôt défendu l'opinion contraire.

Le projet de loi sur l'extradition a été approuvé rapidement à l'autre endroit. L'opinion publique y était favorable. Dans les faits, cette mesure permettait au ministre de la Justice d'extrader quelqu'un sans tenir compte du fait que la peine capitale est interdite au Canada. Je me souviens que, à l'époque, nous avions retardé de plusieurs mois l'adoption de cette mesure. Ceux qui s'opposaient au projet de loi ont perdu, mais les arguments formulés au Sénat ont été repris devant la Cour suprême du Canada. Au bout du compte, la Cour suprême a été du même avis que ceux qui s'opposaient à ce projet de loi. Le long débat qui a eu lieu ici a permis de faire ce que recommandait sir John A. Macdonald, soit laisser l'opinion publique se calmer tout comme on fait refroidir du thé trop chaud dans une soucoupe.

Selon moi, c'est clair que tout le monde ici trouve que ce projet de loi laisse à désirer. Il est aussi évident, je l'admets, que l'opinion publique est en faveur de ce type de projet de loi sans avoir une connaissance précise du sujet.

Voici ma question au sénateur : avons-nous laissé l'opinion publique se calmer suffisamment, ce qui nous permettrait de proposer à la population une solution de rechange à cette mesure très ciblée?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je croyais que ce n'était plus possible de poser une question. Je croyais avoir épuisé mes cinq minutes quand le sénateur Comeau est intervenu pour parler du déroulement de la séance. Je suis prêt à répondre à mon collègue, mais je croyais que ce n'était plus possible.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Murray a-t-il la permission de répondre à la question du sénateur Grafstein?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Murray : Je suis heureux que le sénateur Meighen ne soit pas ici à sa place en ce moment. J'ai souvent entendu le sénateur Eugene Forsey dire qu'il était le pire juge de l'opinion publique depuis la mort du pauvre Arthur Meighen.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à moi d'en juger. Je pense que l'intérêt public et l'opinion publique n'ont probablement pas grand- chose en commun sur la question de l'extradition ou sur celle des peines prévues par le système de justice pénale. Je ne suis pas sûr que ce serait une bonne idée de verser le thé dans une soucoupe et de le laisser refroidir. Mes collègues peuvent amender le projet de loi s'ils le souhaitent et de le renvoyer à la Chambre des communes pour voir ce qu'il en ressortira.

Si je suis ici à ce moment-là, je voterai contre l'amendement et en faveur du projet de loi sans amendement, comme je l'ai dit.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai un point à faire valoir. Je vais voter contre l'amendement, et je vais expliquer pourquoi.

Le Code criminel — même si nous acceptons le projet de loi, que j'appuierai — comporte déjà un article qui traite de la mesure envisagée. Le sénateur Baker l'a mentionné hier pendant son intervention. Je vous lis cet article :

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants : [...]

e) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Je crois que cela répond à la préoccupation du sénateur, que je comprends. Cependant, je voterai contre son amendement.

L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, je veux exprimer mon opposition à l'amendement proposé par le sénateur Watt. Je comprends sa passion, sa conviction et son désir sincère de faire tout ce qui est possible pour bien défendre les intérêts des peuples autochtones. Je peux lui affirmer qu'il n'est pas seul. Ses préoccupations sont partagées, j'en suis convaincu, par tous les sénateurs.

Cependant, je voudrais dire une ou deux choses au sujet de l'amendement qu'il a proposé.

Tout d'abord, il ne fait aucun doute que les Autochtones sont affreusement surreprésentés dans les prisons et les pénitenciers du Canada, y compris parmi les individus en détention présentencielle. Toutefois, sauf le respect que je dois à notre collègue, il me faut lui dire que l'amendement qu'il propose ne changera en rien la situation.

Dans le projet de loi C-25, il est proposé de limiter les crédits que les tribunaux peuvent accorder pour le temps passé en détention avant le prononcé de la sentence. Ce projet de loi ne vise pas à modifier les raisons pour lesquelles un accusé est détenu avant le prononcé de sa sentence. Je crois que c'est ce qui se retrouve au cœur des préoccupations du sénateur. Par conséquent, le projet de loi ne fera pas diminuer le nombre d'Autochtones, pas plus que de non- Autochtones d'ailleurs, en détention présentencielle.

En deuxième lieu, je dirai que je partage l'avis du sénateur Nolin au sujet de l'article 718 du Code criminel, aussi ne le répéterai-je pas. Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Nolin sur ce point.

Il n'y a aucun doute que ce qui fait qu'il est si compliqué de rendre justice aux Autochtones, c'est en partie que beaucoup de choses touchent à la fois les domaines de compétence du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux.

(1600)

Par conséquent, je suis certain que nous encouragerons tous nos partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux à continuer de collaborer avec les collectivités autochtones pour élaborer des stratégies visant à résoudre le problème de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale.

Comme le sénateur Watt, lors des audiences du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons appris que les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral sont conscients de la nécessité de poursuivre leur collaboration pas seulement pour trouver une solution à un problème, mais également pour adopter une approche intégrée en matière de rédaction de modifications au Code criminel afin d'obtenir un système de justice pénale plus équitable.

Pendant ses audiences, le comité a appris que les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux avaient commencé à se rencontrer dès 2004 afin de mettre au point une série de stratégies visant à résoudre ces problèmes dans le Code criminel. Le projet de loi C-25 a découlé de cette consultation. Lors de mon intervention au Sénat hier, j'ai mentionné que le gouvernement fédéral et l'ensemble des provinces et des territoires étaient en faveur du projet de loi C-25. Les provinces et les territoires qui ont le plus grand nombre d'Autochtones sont bien conscients des préoccupations de ces derniers et de la nécessité d'y répondre. Comme le ministre Chomiak, du Manitoba, nous l'a dit, nous savons que les préoccupations des Autochtones doivent être reconnues. Il a fourni des exemples au comité des améliorations importantes qui ont été apportées aux établissements et aux traitements de réadaptation afin de répondre directement aux besoins et aux préoccupations des Autochtones.

Le dernier point que j'aimerais soulever, et le sénateur Watt en a fait mention dans ses observations, c'est qu'il s'agit somme toute de la qualité des établissements et des services aux quatre coins du Canada. On le reconnaît — et le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles l'a entendu de la bouche des ministres Nicholson, Redford et Chomiak et l'a lu dans tous les mémoires qu'il a reçus — il faudra des fonds additionnels.

Le sénateur Joyal a renvoyé aux témoignages que Don Head, le commissaire du Service correctionnel du Canada, a faits devant le comité. Je me rappelle clairement qu'en réponse à la question de savoir comment les établissements correctionnels feraient face aux répercussions du projet de loi C-25, le commissaire Head a dit avoir bon espoir que le Service correctionnel du Canada serait à la hauteur. Il a aussi signalé que le Service correctionnel du Canada avait obtenu un montant additionnel de 14 millions de dollars dans le budget de 2009. Au cours des trois prochaines années, ce montant sera majoré de 48 millions de dollars. Qu'il sache, ces augmentations sont sans précédent. C'est ce qu'il a dit. Tout ces fonds visent à améliorer la qualité de nos établissements carcéraux et le traitement des détenus.

Comme le sénateur Joyal l'a mentionné dans ses observations, le commissaire Head a indiqué qu'il avait présenté une demande de fonds supplémentaires, et cela en plus des augmentations dont il a été question, afin de donner suite au projet de loi C-25. Comme il l'a dit aux membres du comité, il n'est pas en mesure de nous fournir les détails de cette demande, car elle a été présentée au Cabinet. Puisqu'il s'agit d'un document du Cabinet, il ne peut en parler davantage. Pour ce qui est des insinuations selon lesquelles ces chiffres ont été cachés à notre comité, pour quelque motif que ce soit, il n'avait pas le choix. Le ministre Nicholson n'avait pas le choix. Le Cabinet est saisi de la question. Les sénateurs n'auront pas oublié que le commissaire Head avait bon espoir que ces montants seraient approuvés. J'ai aussi bon espoir qu'ils le seront.

Enfin, aucun sénateur ne devrait sortir de notre assemblée avec l'assurance qu'on a mis un point final aux questions concernant les établissements carcéraux et le traitement des détenus. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devrions encourager les ministres provinciaux, territoriaux et fédéral à continuer de travailler ensemble en vue de l'adoption d'une approche globale et intégrée à l'égard des modifications touchant la justice criminelle au Canada.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots à propos de cette motion d'amendement à laquelle je m'oppose, non pas parce que son objet, son esprit ainsi que la sensibilité et la compassion qu'elle dénote ne sont pas de ceux auxquels nous voudrions tous nous associer, mais plutôt parce que,

à mon avis, le problème est, non pas la surreprésentation des Autochtones et des membres des Premières nations dans nos prisons, mais la surreprésentation scandaleuse des Canadiens pauvres, Autochtones ou non, dans nos prisons. Malgré les préoccupations très variées que nous avons tous en ce qui concerne la pauvreté, son effet sur la vie des gens, le fait qu'elle stimule l'activité criminelle et qu'elle conduit à la toxicomanie, à des problèmes de santé, à de mauvais résultats scolaires et à une piètre productivité, ce projet de loi que j'appuie, soit dit en passant, n'aggrave en rien la situation. Si l'on veut tenir un débat approfondi sur ces questions plus vastes, débat auquel notre collègue pourrait apporter une énorme contribution, c'est à la Chambre haute qu'on devrait le faire. Il reste que ce projet de loi n'exacerbe pas cette pathologie. En fait, il fait tout ce que le sénateur Murray a dit qu'il fait. C'est pourquoi je suis heureux de m'opposer à l'amendement et d'appuyer le projet de loi proprement dit.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'une motion d'amendement proposée par le sénateur Watt, avec l'appui du sénateur Baker, C.P. :

Que le projet de loi C-25 ne soit pas maintenant lu pour le troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 3 :

a) à la page 1, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« (3.1) Malgré le paragraphe (3) :

a) si les circons- »;

b) à la page 2, par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :

« paragraphes 524(4) ou (8);

b) si le délinquant est une personne autochtone, les maximums prévus au paragraphe (3) et à l'alinéa a) ne s'appliquent pas. ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Je vais mettre la question aux voix de façon plus formelle.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Les whips ont-ils un conseil pour la présidence?

L'honorable Terry Stratton : Une sonnerie de 30 minutes.

Son Honneur le Président : À quelle heure le vote aura-t-il lieu?

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, à titre indicatif, je vous signale que les comités sont en train de siéger.

Le sénateur Stratton : Les comités vont suspendre leurs travaux dès que la sonnerie va se faire entendre.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote aura lieu à 16 h 39.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs.

(1640)

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Banks Joyal
Callbeck Lovelace Nicholas
Chaput Mercer
Cools Milne
Cordy Mitchell
Cowan Moore
Dawson Munson
Day Pépin
Dyck Peterson
Fairbairn Robichaud
Fraser Stollery
Grafstein Tardif
Harb Watt—29
Hubley

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Lang
Angus LeBreton
Brazeau MacDonald
Brown Manning
Carignan Martin
Champagne Meighen
Cochrane Mockler
Comeau Neufeld
Demers Nolin
Di Nino Ogilvie
Dickson Patterson
Duffy Plett
Eaton Raine
Finley Rivard
Fortin-Duplessis Segal
Frum Seidman
Gerstein Stewart Olsen
Greene Stratton
Housakos Tkachuk
Johnson Wallace
Keon Wallin—42

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Eggleton

Ringuette—2

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion principale. Les honorables sénateurs sont- ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Wallace, avec l'appui de l'honorable sénateur Carignan, propose que le projet de loi C-25 soit lu pour la troisième fois maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 22 octobre 2009, à 13 h 30.)


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